Argent
Les plans de la Bourse de Casa pour donner un second souffle au marché
Des incitations fiscales pour les placements longs à faire passer dans la Loi de finances 2010 et un marché à terme à mettre en place avant fin 2011.
Objectif :
stabiliser l’épargne, la canaliser vers l’investissement et accroître la liquidité et l’efficience du marché.
Le rôle de la place casablancaise sur le plan régional va être renforcé pour attirer plus d’investisseurs étrangers.

La place financière marocaine est en phase de connaître de profondes mutations. Une vision globale avec des objectifs clairs et ambitieux réunit désormais l’ensemble des intervenants du marché financier casablancais. L’initiative vient de la Bourse de Casablanca qui a organisé le 30 septembre à Skhirat un colloque pour tracer une feuille de route visant à relancer la dynamique du marché et servir efficacement les ambitions économiques du Royaume.
Ainsi, dans un contexte marqué depuis le second semestre 2008 par une crise de confiance et une atonie durable du marché, la société gestionnaire de la Bourse, accompagnée par les membres du gouvernement, les opérateurs et les autorités de tutelle, entend, pour assurer le développement de la place, mener des actions d’envergure reposant sur trois axes : primo, mobiliser l’épargne longue au service du développement du marché et de l’économie, secundo, mettre en place un marché à terme pour plus de liquidité et d’efficience, et tertio, développer le rôle de la place sur le plan régional.
Une défiscalisation complète au bout de la cinquième année de placement ?
Pour le premier volet, qui porte sur la promotion de l’épargne longue, il s’agira d’accélérer le lancement du fameux Plan d’épargne actions (PEA). En ce sens, la Bourse de Casablanca propose aux pouvoirs publics, notamment le ministère des finances et l’administration des impôts, de mettre en place des mesures fiscales incitatives pour encourager les investisseurs particuliers à investir sur le long terme en optant pour ce nouveau produit. «Nous souhaitons une réduction du taux d’imposition des plus-values en fonction de la durée de détention des titres», déclare Karim Hajji, directeur général de la Bourse de Casablanca.
Le responsable a déjà son idée en tête et donne un exemple concret pour montrer l’éventuel fonctionnement du produit sur le plan fiscal. «Si par exemple le taux d’imposition des placements à court terme est arrêté par les autorités à 20%, on baisserait chaque année ce taux de 5 points pour arriver à une défiscalisation totale au bout de la cinquième année», indique-t-il.
Il s’agira donc, sous réserve d’acceptation de ces propositions par les pouvoirs publics, de mettre en place une fiscalité dégressive, une sorte de carotte fiscale pour inciter aux placements à long terme.
La société gestionnaire du marché espère faire passer ces mesures dans le cadre de la Loi de finances 2010. Cela dit, compte tenu des contraintes budgétaires qui peuvent avoir lieu, suite notamment à la baisse des recettes fiscales déjà ressentie, le ministère des finances pourrait ne pas envisager de mettre en place un tel dispositif pour l’instant. «Il reste toutefois que l’impôt sur les plus-values de cessions d’actions n’apporte plus rien pour l’heure à l’Etat puisqu’il n’y a pas de plus-values», précise M. Hajji. Ceci pourrait inciter les autorités à adopter ces mesures pour 2010.
Si le texte sur le PEA passe durant la session parlementaire d’automne, ce ne sera qu’une question de mois pour que des produits finalisés soient mis sur le marché. Bien entendu, ce seront les banques qui confectionneront des formules à même d’attirer les investisseurs particuliers vers ce nouveau concept de placement. «Des noms commerciaux seront donnés à ces produits et des campagnes de communication vont être lancées pour les faire connaître du grand public», indique un haut responsable d’une banque de la place. Et, étant donné leur statut de dépositaires de titres, les banques s’occuperont également des aspects techniques du produit, dont le volet fiscal, notamment pour déterminer quel titre a été conservé et pendant quelle durée avant de prélever l’impôt.
Des contrats à terme sur les bons du Trésor et sur un indice de valeurs cotées seront lancés en 2011
Concernant le marché à terme, il faut savoir que le projet de loi relatif à sa mise en place traîne dans les tiroirs depuis 2006. Le texte a finalement été adopté en conseil de gouvernement, mais il n’est pas encore entré dans le circuit législatif. La Bourse de Casablanca table sur son examen au cours de cette session d’automne. «S’il est adopté, il faudra compter à peu près 18 mois pour voir la première opération effectuée sur ce marché», estime Karim Hajji.
L’objectif est donc de lancer les premiers produits à terme au cours du second semestre de 2011. Les 18 mois qui sépareront l’adoption du texte de loi du démarrage effectif seront nécessaires à la mise en place de l’arsenal juridique et technique de ce nouveau marché.
«D’abord, il faudra décider de créer une nouvelle société gestionnaire de ce marché ou d’accepter que la Bourse de Casablanca s’en occupe», clarifie le directeur de la Bourse. En effet, le projet de loi sur le marché à terme ne précise pas si la société gestionnaire sera la Bourse de Casablanca elle-même. Mais, quelle que soit la décision à prendre, un cahier des charges arrêté par le ministère des finances et fixant les prérogatives ainsi que les moyens financiers, techniques et humains à mettre en place, est un préalable à la création de la société gestionnaire. De même qu’un règlement général qui fixera le mode de fonctionnement de cette nouvelle entité.
Outre la société gestionnaire, une Chambre de compensation devra être créée et il faudra déterminer quels seront ses actionnaires (les banques, la Bourse de Casa…). Notons que cette chambre sera un établissement financier qui tombe sous la juridiction de Bank Al-Maghrib, vu que son activité consiste à accorder des crédits à ses membres (elle se substitue aux acheteurs et aux vendeurs jusqu’aux règlements-livraisons et se porte garante de la bonne fin des opérations). Elle sera donc appelée à prendre des risques, même si les crédits sont généralement de courte durée. Ce qui appelle là aussi à l’établissement d’un règlement général régissant son activité.
Après la création de ces deux entités, il s’agira enfin de former les intervenants du marché, c’est-à-dire les intermédiaires financiers. Ce sera là le travail de la société gestionnaire.
Notez que la Bourse de Casablanca ne compte lancer dans un premier temps que deux produits jugés plus simples que les autres : les contrats à terme sur les bons du Trésor et les contrats sur un indice de valeurs cotées. «Pour les autres produits, notamment les options, nous préférons attendre car le marché n’est pas suffisamment mûr pour les introduire. Ce sont des produits assez exotiques pour notre place actuellement», juge M. Hajji.
Concernant les bons du Trésor, il s’agira d’identifier une référence assez liquide, par exemple la maturité 5 ans, et de créer un contrat à terme sur cette échéance. Quant au contrat sur l’indice des valeurs cotées, il faudra d’abord créer un indice liquide autre que les indices dont on dispose actuellement (Masi et Madex) avant de le lancer. Cet indice des valeurs les plus liquides deviendra le sous-jacent du produit à terme. Et pour ce qui est de la plateforme de cotation de ce nouveau compartiment, elle sera dérivée du système actuel du marché actions avec bien entendu des fonctionnalités spécifiques aux produits dérivés.
Sachez par ailleurs que la Bourse de Casablanca n’attend pas l’adoption du texte de loi sur le marché à terme pour entamer tous ses préparatifs. «Nous avons déjà avancé sur le règlement général de la Chambre de compensation et nous avons fait appel à un prestataire externe pour mettre en place le système d’information requis», indique le directeur de la Bourse. Il ajoute que pour la création de l’indice des valeurs cotées, des discussions ont déjà été entamées avec un grand opérateur international spécialisé dans la conception des indices.
Une double cotation avec plusieurs Bourses africaines est envisagée
S’agissant enfin de la volonté de promouvoir le rôle de la place casablancaise à l’échelle régionale, un premier objectif consiste à mettre en place des doubles cotations avec plusieurs Bourses africaines. La place tunisienne, ivoirienne et celle du Gabon sont citées comme exemples. Ceci dans le but d’attirer plus d’investisseurs étrangers. Il y a certes des risques que ce projet soit mis en attente pour le moment, dans la mesure où la double cotation entraînerait au départ une sortie de devises dans un contexte de dégradation des réserves marocaines en monnaies étrangères. Mais s’il est accepté par les pouvoirs publics, il aura à terme des retombées positives en termes de rentrées de devises étant donné les investissements étrangers qu’il drainera.
