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Lancer un micro call center : business encore peu connu et attrayant
Pour un investissement initial de près de 2 MDH, la rentabilité nette est de 10,6% par an.
Hors fonds de roulement, l’aménagement de départ ne dépasse pas les 800 000 DH pour 40 positions.
Règles du métier, démarches, aménagement, exploitation, rentabilité…, ce qu’il faut savoir.

En matière d’idées de business, ouvrir un centre d’appel (call center) est toujours assimilé à un investissement fortement capitalistique qui n’est réalisable que par de grands entrepreneurs. A tort, car il faut savoir qu’à part les centres d’appel d’envergure, d’autres de petite taille existent. Il s’agit de ce qu’on appelle les micro call centers : pas plus d’une cinquantaine de téléopérateurs, une superficie relativement réduite… leur attrait principal est leur taille humaine, ce qui fait qu’on peut y investir sans dépenser à coups de millions de DH.
Pourtant, depuis leur apparition, les micro call centers se sont multipliés à un rythme moindre que leurs aînés de plus grande taille. Casablanca, qui concentre l’essentiel de ce type de centres, en compterait moins d’une vingtaine, selon les professionnels. C’est dire qu’avec un nombre d’opérateurs encore restreint, le créneau des micro call centers ne manque pas d’attrait. Surtout qu’en parallèle la demande des donneurs d’ordre étrangers en services offshores va croissante. Elle atteindrait 30 milliards d’euros pour toute l’Europe sur les 10 prochaines années selon une étude de l’Apebi, l’Assocation des professionnels de l’informatique et des nouvelles technologies. Certes, seule une partie infime de ce volume d’affaires devrait profiter aux micro call centers implantés au Maroc. Mais cela assure au moins que le marché est bien là.
Opportun, l’investissement dans ce projet l’est donc pour sûr, d’autant plus que bien exploité, son taux de rentabilité nette peut avoisiner les 11% pour une mise initiale de près de 2 MDH seulement. Comment s’y prendre ?
Signalons tout d’abord que si l’investissement dans un micro call center est financièrement accessible, il demeure une barrière à l’entrée. En effet, «quelle que soit sa taille, un centre d’appel doit remplir une exigence minimale de professionnalisme», rappelle Nejma El Houda Bouamama, responsable du service de l’Offshoring et des NTIC à la direction des investissements. C’est ce qui fait toute la différence entre un micro call center viable et les petites stuctures qui se définissent comme telles et que l’on a vu se développer dans la clandestinité ces dernières années. Cela étant, pour ce qui est de la concrétisation en elle-même, en tout premier lieu, il faut déterminer l’activité, appelée aussi opération, dans laquelle se spécialisera le centre. Pour cela, il s’agit de se mettre en relation avec un donneur d’ordre étranger. Ces prises de contact sont favorisées par la foire annuelle consacrée aux centres d’appel, le SICAM (Salon international des centres d’appel au Maroc). De même, au besoin, le réseau professionnel peut être mis à contribution.
Le sous-traitant est intéressé par le chiffre d’affaires qu’il génère pour le donneur d’ordre
Plusieurs types de services sont demandés. Deux groupes sont à distinguer: les activités d’appels entrants (assistance technique, relation clientèle et télévente) et celles d’appels sortants (qualification de fichiers, détection de projets, enquêtes et recouvrement…).
Comment choisir ? Le souci primordial doit être d’assurer un bon flux d’affaires au centre puisque le sous-traitant est intéressé au chiffre d’affaires qu’il génère pour le donneur d’ordre. Partant, il faut respecter la saisonnalité des produits : les chauffages se vendent plus facilement en hiver, les ventes de mutuelle ont plus de chances de se concrétiser lors des périodes de renouvellement de contrats en janvier…
L’actuel contexte économique international difficile doit également être pris en compte pour le choix d’une activité. Ce contexte change en effet les habitudes de consommation. Par exemple, les dépenses de loisirs sont compressées, ce qui n’est pas le cas des dépenses de santé.
Notez enfin qu’il est important de se décider en tout début de projet sur l’activité du centre puisque la nature de l’opération est interdépendante avec le nombre d’opérateurs à recruter, les choix d’aménagement du local et surtout de son équipement en matériel.
Une fois l’activité du centre déterminée, il convient d’entamer les démarches de création d’entreprise. Parmi les différentes formes sociales, la SARL semble la plus adaptée. C’est d’ailleurs la forme généralement adoptée pour les activités de délocalisation de prestations de services.
A noter que des démarches spécifiques sont à remplir auprès de l’Agence nationale de réglementation des télécommunications (ANRT), notamment le dépôt de la déclaration d’ouverture d’un centre d’appel et l’obtention d’une «autorisation pour les liaisons louées».
Constituée juridiquement, la société peut à présent prendre forme. Sa localisation n’est généralement pas déterminante sauf peut-être pour ce qui est des possibilités de recrutement du personnel.
Loué ou acheté, le local se doit d’être aménagé puis équipé en matériel. D’une part, il s’agit de constituer la salle technique du centre. Celle-ci accueille l’ensemble de l’équipement technique (switch, compresseur de voix, serveurs…) ainsi que les positions (mobilier et équipement individuel de chaque opérateur). Pour une activité basique, tout le matériel requis est vendu au Maroc, pas besoin donc d’en importer, chose qui était inévitable il y a quelques années seulement.
D’autre part, il convient de souscrire aux abonnements téléphoniques. L’installation typique adoptée par la majorité des micro call centers est composée d’un abonnement téléphonique souscrit à l’étranger auprès d’opérateurs délivrant des prestations sur mesure aux call centers (Vivaction par exemple), couplé à un abonnement Data contracté au Maroc et servant de support pour les communications provenant de l’étranger.
Pour l’aménagement et l’équipement d’un centre de 240 m2, par exemple, il faut compter une durée de 5 mois.
Une fois le cycle initial d’investissement bouclé, il s’agit de s’attaquer à une autre paire de manches : l’exploitation.
Elle en appelle à un tout premier point de vigilance : le fonds de roulement. «L’investissement pour l’aménagement et l’équipement du centre pèse très peu au regard de ce que peut chiffrer le besoin en fonds de roulement», explique Mohamed Mansouri, propriétaire de deux micro centres d’appel à Casablanca et Kénitra. Entre les salaires et le coût des abonnements téléphoniques, le besoin en fonds de roulement mensuel s’emballe très rapidement, surtout que les délais de paiement des donneurs d’ordre ont tendance à s’allonger. Ils avoisinent actuellement les trois mois. A titre d’exemple, un centre d’appel opérant à Casablanca et accueillant 40 positions nécessite un fonds de roulement de 400 000 DH par mois.
Les mois d’été difficiles pour l’activité
La question est d’autant plus délicate en début d’activité. Un retard dans le traitement du virement bancaire, un différend avec le donneur d’ordre au sujet de l’intéressement au chiffre d’affaires… et toute l’activité s’en trouve compromise. Partant, «prévoir un fonds de roulement couvrant 3 mois d’activité est un minimum en début d’exploitation», préconise M. Mansouri.
Autre casse tête en rapport avec l’exploitation, le chiffre d’affaires. Comme précisé auparavant, celui-ci est égal à un pourcentage convenu à l’avance du chiffre d’affaires réalisé par le sous-traitant pour le compte du donneur d’ordre. Ce pourcentage se négocie selon le type d’activité (à titre d’exemple, l’intéressement est de 30% du chiffre réalisé pour la vente de mututelles).
Plusieurs points doivent être soulevés au sujet du chiffre d’affaires. Il faut noter tout d’abord que l’exercice des micro call centers est grevé inévitablement par 2 ou 3 mois où l’activité tourne au ralenti. Il s’agit notamment des mois d’été durant lesquels il devient difficile de joindre les clients, ce qui entraîne généralement une baisse des revenus.
Les charges fixes étant ce qu’elles sont, il convient d’anticiper cette baisse de régime en exploitant toutes les niches d’économie afin de maintenir l’équilibre du résultat net. A titre d’exemple, il est préconisé durant les mois d’été de réduire les achats de fiches clients afin de ne pas alourdir les charges. Pour information, ces fiches facturées entre 20 et 120 DH et disponibles auprès de prestataires étrangers spécialisés répertorient une clientèle ayant fait l’objet d’un tri et ayant d’autant plus de chance d’être intéressée par un produit donné.
S’agissant toujours de chiffre d’affaires, un autre risque l’entourant concerne le défaut de paiement. «Tout sous-traitant a eu son expérience malheureuse avec un donneur d’ordre étranger», assure un exploitant de centre d’appel. La voie juridique se révélant inutile dans ces cas-là, il est plus prudent de prendre ses dispositions en amont. Il faut donc penser à se renseigner auprès d’autres sous-traitants sur un donneur d’ordre avec qui on s’apprête à s’associer. Une autre parade consiste à associer ce dernier à l’exploitation du micro call center en lui proposant de couvrir l’achat des fiches clients par exemple. Dans une même logique de partage des risques, il est préconisé de travailler simultanément avec plusieurs donneurs d’ordre.
