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Elevage ovin pour l’Aid : une marge de 27% en trois mois
Pour l’élevage de 100 antenais, il faut louer une écurie d’au moins 100 m2 au prix de 15 000 DH. L’engraissement et l’entretien des bêtes représentent les deux tiers des charges. A un prix de vente moyen de 3 000 DH, l’investisseur peut réaliser un bénéfice de 83 200 DH.

S’il y a un business où l’on peut dégager une marge de plus de 25% en un peu plus de trois mois, c’est bien celui de l’élevage ovin à l’occasion de l’Aid Al Adha. Le rendement dépasse de loin celui des placements classiques, ce qui pousse nombre de personnes à investir ponctuellement dans ce domaine. D’autant plus que les charges que ce business occasionne ne sont pas conséquentes et l’on peut même déléguer la gestion à des employés.
Cela dit, bien que de plus en plus d’amateurs s’adonnent à ce type d’élevage, il demeure un investissement particulier qui n’est pas à la portée de tout le monde. L’engraissement des ovins, leur entretien, leurs soins médicaux ou encore la superficie idéale et l’équipement nécessaire à leur élevage obéissent à des règles spécifiques qu’il convient de maîtriser avant de franchir le pas. Car l’élevage ovin pour l’Aid n’est pas dénué de risques. La mortalité du bétail en raison de problèmes de santé ou encore la difficulté d’écouler le cheptel sont des risques que l’investisseur doit évaluer avant de se lancer (voir encadré).
En tout cas, une personne souhaitant investir dans ce créneau devrait s’approvisionner en bétail au moins 3 mois avant l’Aid. Mais, auparavant, il faut penser à louer une étable construite et équipée selon les normes édictées par la réglementation. L’étable doit être aérée, avec un plafond à moitié couvert, et compartimentée en plusieurs parties abritant chacune des mangeoires, des abreuvoirs et des dortoirs. Chaque animal doit disposer d’une superficie au moins égale à 1 m2. Pour 100 têtes (nombre recommandé pour débuter dans le domaine), il faut donc louer une écurie de 100 m2 dans les périphéries de la ville, moyennant une charge d’environ 15000 DH sur la période. Si la personne compte développer cette affaire à plus long terme, il est vivement conseillé d’acquérir un terrain et de bâtir l’étable.
En tant qu’éleveur-engraisseur, l’investisseur doit s’approvisionner en bétail chez l’éleveur-naisseur, soit directement ou en ayant recours à des rabatteurs. Les antenais doivent être âgés d’au moins 6 mois sans pour autant dépasser une année et leur poids doit être compris entre 15 et 20 kg. Il faut toutefois tenir compte de la période d’agnelage (production d’agneaux) qui est bi-annuelle (octobre et mars) afin d’acquérir le bétail au bon moment pour la plupart des races qui existent sur le marché, à savoir le Sardi, le Timahdite ou le Bergui, le Beni Guil. En revanche, la race des oasis, connue sous le nom de Demmane, peut produire jusqu’à 4 agneaux par an.
S’agissant du prix d’achat, il dépend en grande partie de la campagne agricole de l’année précédente et «il existe une corrélation inverse entre le prix des antenais et celui des aliments», explique un professionnel du marché. Autrement dit, leur prix augmente quand le coût des aliments est bas et inversement. De toute façon, un investisseur peut acquérir 100 têtes à 110 000 DH à raison d’une moyenne de 1100 DH par tête.
Une fois les bêtes acquises, il doit entamer le processus d’engraissement qui répond à des règles pointues. En effet, l’engraissement se réalise à travers une composition entre les différents aliments, à savoir la paille, l’orge, le son, le maïs, le soja et les fèves. La pondération de ces aliments varie en fonction du poids de l’antenais, sachant qu’une fois que ce dernier atteint les 40 à 50kg (le poids idéal pour la revente), il faut changer ses habitudes alimentaires. Et c’est là que démarre la phase d’entretien de l’animal afin qu’il maintienne son poids sans développer de graisse. Pendant cette phase, la luzerne s’avère être le meilleur produit pour alimenter son bétail.
Une alimentation complexe
Compte tenu de cette complexité, les professionnels recommandent aux néophytes de faire appel aux conseillers vétérinaires ou de s’orienter vers les produits d’alimentation industriels, préalablement composés en différents aliments. Quoique certains ne sont pas du même avis. Said Fagouri, éleveur expérimenté, préconise les produits du terroir, naturels et dont les effets sont plus perceptibles sur le bétail.
Quoi qu’il en soit, il faut compter 4 à 5 kg d’aliments pour gagner un kg de poids vif. L’objectif est d’atteindre un poids compris entre 40 et 50 kg. Ceci revient à 8 DH en moyenne par tête quotidiennement pendant les trois mois, coût qui inclut l’engraissement et l’entretien, soit une charge globale de 72 000 DH pour 100 têtes. «Pour réduire ses charges relatives tant au transport qu’aux aliments, il est conseillé de constituer un stock directement après la campagne agricole, soit entre mai et juillet», souligne M.Fagouri.
Au-delà des aliments, il faut obligatoirement recourir à un vétérinaire pour suivre l’état de santé du bétail. Le traitement comprenant les médicaments, les vaccins, les soins antimouches et antiparasitaires totalisent une somme de 1 000 DH dans notre exemple, sans oublier la rémunération du médecin qui s’élève à 1 000 DH par visite à raison de deux visites pendant la période. Par ailleurs, faute de temps ou d’expérience, il faut idéalement engager deux employés pour la gestion du bétail avec un salaire de 60 DH par jour, ce qui implique un budget de 10 800 DH sur les trois mois.
Une fois le bétail prêt à la vente, l’investisseur doit louer un local en ville, dans les souks ou dans les grandes surfaces. Le prix de ces locaux dépend de l’emplacement et de la surface. Si la location d’un garage peut coûter 5 000 DH pendant la période de la vente qui peut aller de 20 jours à un mois, dans les souks cela revient à 200 DH par jour. En tout cas, «le souk draine plus de 60% du cheptel vendu pendant l’Aid», fait remarquer M. Fagouri. Il ne faut pas oublier le coût de transport du bétail de l’écurie au lieu de vente qui est de 10 DH par tête, soit 1 000 DH pour le troupeau, ce qui fait monter la charge globale à 216800 DH.
Le prix de vente ne varie pas considérablement d’une année à l’autre. Il est en moyenne de 3 000 DH par tête ou entre 48 et 50 DH le kilo pour le Sardi et 40 DH à 45 DH le kilo pour le Bergui et les autres races. Le prix du Sardi est plus élevé car la race est plus exigeante en matière d’engraissement et sa production est limitée comparativement aux autres. Cela ne veut pas dire que le Sardi est de meilleure qualité car, selon M. Fagouri, «la qualité de la viande ne dépend pas de la race mais de la phase d’alimentation de l’antenais».
Ainsi, si on considère ce prix moyen de vente, le chiffre d’affaires devrait totaliser 300000 DH. En déduisant l’ensemble des charges, l’investisseur dégagerait un bénéfice net de 83 200 DH, soit une marge nette de 27,7%. M. Fagouri précise que «l’éleveur peut maximiser son gain pendant les deux jours précédant la veille de l’Aid en raison de l’augmentation de la demande qui induit une flambée des prix». Cependant, «garder ses bêtes jusqu’au dernier jour est un pari risqué. Les prix obéissent à l’offre et à la demande certes, mais nul ne peut prévoir l’orientation des prix à la veille de l’Aid», prévient-il.
