Affaires
Une agence pour le tourisme rural
Avec le développement de l’offre, le nombre de touristes étrangers devrait atteindre 1,3 million en 2010.
Ce n’est pas nouveau, le Maroc possède des potentialités touristiques insoupçonnables qui ne demandent qu’à être exploitées. Le tourisme rural dans son sens le plus large en est une. Il est aujourd’hui au stade embryonnaire, comme le démontre l’étude réalisée par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) pour le compte du gouvernement marocain. L’exécution de cette étude, intitulée Stratégie de développement du tourisme rural, à été confiée à l’OMT (Organisation mondiale du tourisme). Elle a consisté essentiellement à recenser de manière «assez exhaustive» les ressources naturelles touristiques en milieu rural dans les différentes régions du Royaume, et à définir une stratégie claire et précise pour répondre à une demande potentielle importante appréciée à l’horizon 2010, sur la base de statistiques officielles et d’une enquête menée sur le terrain (voir encadré).
D’emblée, l’étude relève «le décalage important qui existe aujourd’hui entre une demande forte émanant tant de touristes étrangers que de populations urbaines nationales et une offre extrêmement séduisante, mais presque totalement inorganisée (…).»
Il s’agit donc de valoriser et de structurer cette offre «pour la rendre apte à sa mise sur le marché», ce qui nécessite d’associer à la volonté nationale, déjà affirmée dans le contrat programme 2010, toutes les initiatives locales qui sont certes nombreuses, mais souvent maladroites. Dans cette optique, deux propositions qualifiées de majeures ont été faites par les experts : la création au niveau national d’une Agence de développement du tourisme rural sous la tutelle du gouvernement, mais avec une gestion professionnelle autonome, et, au niveau local, la constitution de «pays d’accueil touristiques», entités réunissant et organisant localement les initiatives de tous les acteurs du tourisme rural.
Réorganisation des circuits pour amener les touristes à consommer
Plus précisément, la démarche consiste à cerner des espaces géographiques régionaux présentant des critères d’offre touristique, indépendamment du découpage administratif.
Ainsi, l’analyse de la demande potentielle distingue trois catégories de clientèles dont les comportements et les besoins sont très différents: les touristes étrangers, les nationaux citadins et les MRE, avec toutefois une demande très forte pour les deux premières catégories.
L’enquête a démontré que, actuellement, 59 % des touristes qui visitent le Maroc circulent en zones rurales durant leur séjour, mais il ne s’agit là que de transitaires entre les grands centres urbains qui s’arrêtent pour, tout au plus, prendre une photo ou un verre de thé… A vrai dire, en dehors des randonneurs dans les montagnes de l’Atlas, estimés entre 35 000 et 50 000 personnes, et des 70 000 à 80 000 qui choisissent les circuits du grand Sud, le reste des touristes étrangers ne dépense pas le moindre centime dans les campagnes, pour la simple raison que les circuits touristiques proposés ne laissent aucune place à une véritable consommation en milieu rural. Et pour cause, il n’y a aucune offre qui leur est proposée. L’objectif, selon l’étude, serait donc de multiplier par 10 le nombre de consommateurs effectifs, d’ici à 2010, pour le porter d’environ 130 000 actuellement à 1,3 million.
Il en va de même pour les nationaux, amateurs de séjours à la campagne et en montagne, qui ne trouvent pas de produits adaptés à leurs besoins. Leur nombre devrait être porté à 1 462 000 à l’horizon 2010, au lieu de 400 000 actuellement. Enfin, le nom-bre de MRE n’évoluerait que timidement pour passer de 139 000 à 150 000 en 2010. D’une manière générale, conclut l’étude, le nombre de touristes consommant en zones rurales pourrait être multiplié par quatre d’ici à 2010, sous réserve, cela va de soi, que l’offre soit disponible.
Les experts insistent sur la sauvegarde du potentiel naturel
Pour ce faire , outre la construction de moyens de liaison, en particulier un réseau de routes secondaires, pour permettre aux visiteurs de sortir des sentiers battus, les recommandations de l’étude insistent sur les lieux d’hébergement touristiques ruraux dont la quasi-absence constitue un réel frein au développement de ce genre de tourisme. Ceci d’autant que les formules hôtelières classiques ne peuvent pas être transposées en milieu rural, car exigeant des investissements importants et une exploitation compliquée, et ne correspondant pas aux attentes des touristes. Il est recommandé, par conséquent, de construire des hôtels de petite taille et de moyen standing et, en même temps, de développer l’hébergement chez l’habitant ou à proximité dans des lieux gérés par l’habitant ou la collectivité. Les auteurs de l’étude voient même dans cette formule une possibilité de débouchés pour les diplômés chômeurs de la région touristique. La construction de ces sites d’habitat devra obéir à un cahier des charges général fixant les normes architecturales et techniques afin qu’ils disposent de tous les moyens de confort et de sécurité, et en même temps qu’ils soient parfaitement intégrés au paysage rural.
Il va de soi que la gastronomie locale doit être encouragée dans ces auberges et gîtes ruraux. Des expériences menées ailleurs en ont d’ailleurs démontré les effets positifs.
Autre frein sérieux pour le développement du tourisme rural, l’absence de signalétique touristique dans nos campagnes. Les experts estiment que si la signalétique directionnelle est globalement satisfaisante sur les grands axes, elle est totalement absente ailleurs.
Enfin, l’étude invite à la sauvegarde du potentiel naturel et elle relève de nombreuses atteintes menaçant ce potentiel : campings sauvages dans le Toubkal, sollicitations des promoteurs hôteliers dans le parc de Souss-Massa, programmes immobiliers dans la palmeraie de Marrakech, utilisation comme égout de la source permanente de Ain ben Adel près de Taounate, constructions défigurantes dans la vallée de Dadès, etc. Si rien n’est fait pour protéger l’environnement, conclut l’étude, «le tourisme rural s’effondrera sur lui-même»
Méthodologie de l’enquête
Le poids du tourisme rural dans le mouvement touristique actuel a été estimé en combinant les statistiques officielles et les résultats d’un sondage effectué à Agadir et Marrakech auprès de 200 touristes de 7 nationalités différentes. Ces touristes ont été soumis à un questionnaire à la veille de leur départ, pour qu’ils puissent « restituer un souvenir global de leur séjour et qu’ils s’expriment de façon pertinente à propos du tourisme rural».
Les résultats du sondage ont permis de dégager plusieurs catégories de touristes, consommateurs effectifs ou potentiels de tourisme rural, et d’estimer leur nombre (voir article). Ainsi, 5 catégories ont été identifiées : les consommateurs théoriques, les consommateurs réels actuels, les non-consommateurs absolus, les non-consommateurs relatifs et les consommateurs potentiels.
Par ailleurs, les enquêteurs se sont basés aussi sur l’observation de groupes de touristes lors de leur halte en milieu rural, notamment sur le plateau d’El Hajeb (paysage d’Itto) et dans la vallée de l’Ourika.
Des entretiens ont aussi été menés avec des personnes qui travaillent dans le tourisme comme les agences de tourisme, les opérateurs réceptifs, des MRE, etc, mais aussi des guides et même des chauffeurs d’autocars touristiques. Les habitants de quelques douars en rase campagne ont aussi été interrogés
