Affaires
Transport de luxe : un marché potentiel de 30 000 passagers pour commencer
Le besoin se fait davantage sentir sur les lignes reliant Casablanca à Agadir, Fès et Oujda. Bien qu’elle soit Premium, l’offre pourrait également intéresser la classe moyenne. Supratour, Pullman et Transport Ghazala sont en mesure d’emboîter le pas à la CTM.

Le lancement par la CTM de son offre Premium est un événement phare qui risque bien de révolutionner le transport de voyageurs. En effet, cette nouvelle offre pourrait très rapidement faire des émules dans le secteur. Ce qui n’est pas pour déplaire à Aziz Rabbah qui, depuis son arrivée à la tête du ministère de l’équipement, du transport et de la logistique, a, à plusieurs reprises, fait part de sa volonté de lancer un mode de transport de voyageurs haut de gamme. Pour ce faire, de nouveaux cahiers des charges y afférents ont été publiés en 2013. L’objectif initial du ministère était d’attirer de nouveaux investisseurs dans le secteur. Mais devant la grogne de certains transporteurs, il s’est finalement contenté d’ouvrir ce segment aux opérateurs déjà détenteurs d’agréments.
Il aura donc fallu six mois à peine pour qu’un premier transporteur ose le pas. «Nous estimons qu’il y a une réelle demande pour ce produit», confirme Ezzoubeir Errhaimini, PDG de la CTM. En analysant l’offre, il apparaît que le besoin se fait davantage sentir sur les lignes reliant Casablanca à Agadir, Fès et Oujda. Le point commun entre ces trois trajets est qu’ils sont couverts par des autoroutes, une condition qui semble indispensable pour offrir la qualité de service promise. Sur la base des estimations de la CTM, la demande pourrait se chiffrer à 30 000 passagers par an. Ce chiffre pourrait rapidement exploser une fois le segment généralisé. En fait, à voir le prix proposé pour ce nouveau produit, il va sans dire qu’il ne sera pas exclusivement réservé à une clientèle de catégorie A+. Selon le top management de la compagnie, les premières offres sont commercialisées à un prix supérieur de 30 à 40% aux tarifs normaux. Rapporté aux tarifs généralement appliqués pas la CTM, le surplus à payer pour profiter de l’offre Premium restera inférieure à 100 DH, soit un tarif qui laisse l’offre accessible à d’autres catégories sociales, notamment la classe moyenne supérieure.
Sur les trois premières lignes concernées par cette offre, le supplément est de 80 DH pour la ligne Casablanca-Oujda (280 DH en autocar Premium contre 200 DH pour l’autocar normal). A titre de comparaison, les tarifs des classes business dans les avions représentent souvent le double des tarifs des classes économiques, ce qui a pour incidence de réduire le champ de la clientèle qui peut y prétendre. Ce n’est pas le cas du transport de voyageurs. «Nous ne pouvons pas dire que cette offre sera réservée à une catégorie sociale spécifique. Ce que nous pouvons en revanche confirmer, c’est qu’il s’agira d’instaurer de nouveaux standards de qualité pour répondre aux besoins d’une clientèle plus exigeante». Pour rappel, en annonçant le lancement de ce nouveau segment, le ministère de tutelle avait insisté sur le fait que les prix soient au moins supérieurs de 20% aux tarifs normaux. Cette insistance est induite par la volonté d’empêcher ce segment de concurrencer le transport classique.
Une activité réservée aux transporteurs structurés
Avec un tel modèle de transport, le ministère espère tirer le secteur vers le haut, à condition que les sociétés de transport déjà bien structurées et organisées soient séduites par ce concept et y adhèrent. Il n’est pas exclu que d’autres suivent très rapidement la CTM. Dans le monde des professionnels du transport, on rapporte qu’il existe de l’intérêt chez quelques grandes entreprises dont la situation financière pourrait supporter l’investissement nécessaire. Sont cités comme exemple Supratour (filiale de l’ONCF), Pullman et Transport Ghazala. Le patron de la CTM s’attend effectivement à ce que la concurrence se développe rapidement dans ce segment. Et ce transporteur, qui a déjà mobilisé 30 MDH pour le lancement de son offre, dont 25 millions pour l’acquisition de 10 autocars, est prêt à réaliser d’autres investissements dans les autocars si le besoin se fait sentir. Ainsi, le management affiche clairement son intention de garder son avance sur la concurrence. Et les moyens financiers ne constituent pas son seul argument. «La concurrence pourra bien entendu suivre. Maintenant, il faut savoir que l’investissement en lui-même n’est pas la seule clé de la réussite», explique-t-il, faisant référence à l’image de marque que la CTM a construite durant ses 95 ans d’existence.
