Affaires
Plans d’architecture : les fraudeurs font profil bas
La part des signataires dans l’effectif global des architectes en exercice est descendue en dessous de 30% n 80 dossiers suspects sont en cours de traitement. Le conseil national compte mettre en place une plateforme dématérialisée pour s’assurer de la crédibilité de l’architecte et de la complétude de son projet.

Le phénomène des architectes signataires commence à s’estomper. Ceux qui s’adonnaient à cette pratique illégale font profil bas grâce aux différents avertissements reçus, mais aussi grâce à la loi 66-12 relative au contrôle et à la répression des infractions en matière d’urbanisme et de construction. Il reste tout de même des irréductibles. Leur part dans l’effectif global des professionnels en exercice est descendue en dessous des 30% estimés à travers le Maroc. Ils exercent aussi bien dans les grandes villes comme Casablanca et Rabat, que dans les petites et moyennes, à l’instar de Berrechid, Settat, Beni-Mellal, Khouribga… Il est vrai qu’une grande partie de ces signataires opèrent de leur propre gré, sans prendre conscience des conséquences qu’ils encourent et des risques sur la qualité du bâtiment à construire. Mais, dans bien des cas, ils sont «obligés» d’agir de la sorte. «Certains employés de l’administration, notamment dans certaines agences urbaines, poussent le requérant à apposer la signature de tel ou tel architecte sur le plan architectural, selon une entente tacite et informelle entre les deux parties. Ils vont même jusqu’à conditionner l’obtention de l’autorisation de construire au recours à ces signatures», accuse un architecte qui a requis l’anonymat. Une seule raison à cette pratique délictueuse : l’argent. Aussi bien l’architecte que l’agent de l’administration en font une source de revenus supplémentaires. Le plus grave est qu’il n’y a aucun suivi, ni du dossier ni du chantier…
Les plus téméraires gèrent 50 à 100 dossiers par mois
L’ordre des architectes ne se lasse pas de harceler ces faussaires. «Depuis juin, nous avons adressé un courrier à tous les conseils régionaux des architectes en vue de les mettre en garde contre ces pratiques, de les sensibiliser et les pousser à appliquer les sanctions disciplinaires correspondantes», affirme Azzeddine Nekmouche, président du conseil national de l’ordre des architectes. Cette instance ne manque pas de suivre de près les praticiens qui disposent d’un nombre élevé de dossiers à traiter. «Il est inconcevable qu’un architecte moyen gère mensuellement une cinquantaine ou même une centaine de dossiers. Les plus honnêtes et les plus sérieux n’en prennent que trois et s’en sortent à peine». Le critère du prix est également suivi, parce qu’il faut le dire, ce type de praticiens proposent des prix nettement bradés par rapport à la moyenne, misant ainsi sur un effet volume.
A cette date, «ce sont 80 dossiers qui sont en cours de traitement», fait savoir M.Nekmouche. Une enquête est actuellement en cours afin de vérifier l’établissement réel des plans, de s’assurer de leur suivi par les signataires… Si l’enquête aboutit à des faits avérés de complaisance, les sanctions peuvent aller d’un avertissement ou blâme à une suspension d’activité temporaire ou même le retrait définitif de l’autorisation d’exercer. Non seulement cela, la décision est envoyée au Secrétariat général du gouvernement et est publiée au Bulletin officiel.
Agences urbaines et communes appelées à être plus vigilantes
Les instances dirigeantes de l’ordre essaient tant bien que mal d’assainir le secteur, en attendant la sortie des décrets d’application de la loi 66-12 qui devrait mettre de l’ordre dans la profession, dans la mesure où elle responsabilise l’architecte par rapport à son chantier. Ils attendent également l’entrée en fonction du conseiller juridique qui devrait faciliter la procédure.
De plus, le conseil national compte mettre en place une plateforme dématérialisée visant essentiellement à s’assurer de la crédibilité de l’architecte et de la complétude de son projet. «Une fois le projet réalisé, l’architecte est dans l’obligation de l’inscrire à l’ordre des architectes. Ce dernier se charge de la vérification des moyens pour le mettre à exécution en termes de personnel, de moyens financiers, d’assurance RC… Il s’agit surtout d’un moyen de contrôle des architectes véreux», explique M.Nekmouche. Au final, «toutes les parties doivent être responsabilisées par rapport à cette gangrène. Les architectes ont certes une grande part de responsabilité, mais il faut, à côté, que les agences urbaines et les communes jouent le jeu également», conclut-il.
