Affaires
Patron des textiliens, sans être lui-même entrepreneur
Il voulait être enseignant et n’a connu le secteur textile qu’à
partir des années 1990.
En trois ans, il est devenu DG de Settavex et en a presque doublé le chiffre
d’affaires.
Elu président de l’Amith en juin 2002, il a révolutionné
les méthodes de travail de l’association et la vision du secteur.

Salah-Eddine Mezouar, le directeur général de l’Amith (Association marocaine des industries du textile et habillement) est un homme débordant d’énergie et de disponibilité. Pourtant, avec ses écrasantes journées de 12 à 14 heures, c’est justement le temps qui lui manque. Le stress ? Son sourire avenant et son débit égal semblent indiquer qu’il ne connaît pas. L’homme domine son agenda et ne perd pas une miette du temps qu’il accorde à chaque activité et à chaque interlocuteur. Un grand sens de l’écoute et une patience qui laissent ceux qui le sollicitent sans voix. Et c’est pour cela que c’est lui qui parle le plus souvent. Manipulateur ? Le meneur d’hommes qu’il reconnaît être réprouve la démarche de la manière la plus énergique qui soit. Voilà ce qu’il en dit: «Le manipulateur use d’un mauvais artifice et fait même preuve de lâcheté, quelque part. Pire, il devient, à la longue, contre-productif car il ne peut pas éviter d’être démasqué. Personnellement, je ne connais qu’un moyen pour mobiliser les hommes : les faire adhérer à un projet clairement énoncé en les invitant à s’y associer et à déployer leur talent en le faisant leur. Pour obtenir ce résultat, il faut, très souvent, avoir des talents de séducteur, dans le sens large du terme.»
Ses cartes maîtresses : le sens du challenge et de la débrouille
Natif de Meknès, la cinquantaine bien portée, Salah-Eddine Mezouar revendique être un homme de cœur et d’action. Le sens de la débrouille et du challenge, il l’a toujours eu car il a dû toujours ne compter que sur lui-même comme pour financer ses études notamment. Après un bac à Rabat, il s’embarque pour la France où il décroche un DEA en sciences économiques. Il trouvera le temps, plus tard, de suivre un cycle supérieur de gestion à l’ISCAE (1987/88) et profitera de programmes de formation, au gré des opportunités, comme en 1990 où il suit un cycle de perfectionnement des dirigeants d’entreprises. L’homme est fidèle à ses amitiés comme aux valeurs qu’il se fait un devoir de partager avec les équipes qu’il dirige. Si M. Mezouar est un homme «constant», son parcours, lui, est tout sauf linéaire. De retour au pays en 1980, il se destine à l’enseignement. Faute de poste budgétaire, il travaille pour les régies de distribution d’eau et d’électricité, de l’époque, à Tanger puis à Rabat. Entre 1984 et 1986, il s’installe en Tunisie et prend en charge la direction administrative et financière d’une entreprise tuniso-française qui s’occupe de projets touristiques. De retour au bercail en 1986, il rejoint l’ODEP pour mettre en place la formule de parrainage qu’inaugure l’office avec le Raja. Une tâche qui convient bien à l’ex-capitaine d’équipe de basket qu’il fut.
Dur de concilier entre l’entreprise et l’associatif
C’est en 1990 que le secteur du textile va le happer. Sa rencontre avec les anciens dirigeants de Settavex, entreprise de textile ibérique, est déterminante. Dès 1991, il est DGA de l’entreprise qui va réussir une des implantations les plus réussies au Maroc. Deux années plus tard, il est nommé DG de la filiale marocaine, en charge du développement en Afrique et au Moyen-Orient. Ce bûcheur-né en dirige aussi la partie commerciale. En 1991, le chiffre d’affaires de Settavex était de 380 MDH, pour cette année il se chiffre à 600 MDH et l’effectif est passé, quant à lui, de 250 personnes à 383, sachant que l’investissement au Maroc du textilien espagnol est hautement technologique. A partir de ce moment, c’est la découverte d’un métier passionnant et, désormais, le destin de Salah-Eddine Mezouar, aujourd’hui membre du Directoire du groupe ibérique, est scellé et le secteur du textile devient une sorte de sacerdoce pour lui. Il s’y investit tant et si bien qu’en juin 2002 les patrons l’élisent président de leur association, alors qu’il n’est pas investisseur lui-même. Une première dans la vie de l’AMITH, une institution demi-centenaire, au caractère politique affirmé. Pour Salah-Eddine Mezouar, il est temps d’en faire un outil plus pointu au service du secteur. D’ailleurs, on le reconnaît volontiers au sein de la profession, sa venue a apporté un coup de jeune à l’Amith : le secteur du textile, autrefois confiné dans un rôle passif, et perçu comme un lobby de patrons récriminateurs, s’est aujourd’hui pris en main.
Quand on demande à l’actuel président de l’AMITH comment il concilie le travail prenant de dirigeant d’entreprise et l’engagement associatif, sa réponse est toute prête. «Il faut savoir déléguer et, pour ce faire, il faut apprendre ou réapprendre à travailler en équipe. Tout individu est porteur d’un potentiel et le tout est de savoir comment canaliser ce potentiel. Une fois cette étape dépassée, tout devient une question de confiance et de reconnaissance des talents. Le danger commence dès que l’on se met dans l’idée de gérer les états d’âme car c’est le chemin de la médiocrité. Or, pour un chef d’entreprise, diriger tient en une phrase : tirer vers le haut en préparant ou en créant les conditions de la performance.»
Que conseille Salah-Eddine Mezouar aux dirigeants que le surmenage guette ? «Contre les coups de pompe, il n’y a qu’une recette : faire du sport et se ménager de courtes escapades pour se soustraire à la pression.»
Verra-t-on un jour le gestionnaire talentueux se jeter à l’eau et élaborer lui-même un projet industriel ? A cette question, le DG de Settavex se montre plutôt dubitatif. Pour l’heure, il reste tout à ses préoccupations de développement du business plutôt que d’aller vers l’aventure de l’investissement. Mais sait-on jamais ?
