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Affaires

Maroc : La réforme du droit des sociétés se fait toujours attendre

Les textes relatifs à  la loi sur la SA, aux autres types de sociétés et à  la modification du code de commerce sont toujours dans le circuit législatif.
Comité d’audit obligatoire pour les sociétés cotées, dématérialisation du dépôt des états de synthèse, encadrement plus rigoureux des conventions réglementées : ils contiennent des dispositions très attendues. Pour faciliter le démarrage des nouveaux projets, les relations entre domiciliataire et domicilié seront mieux définies.

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Tribunal du commerce Maroc 2014 04 25

La réforme du droit des sociétés se fait toujours attendre. Annoncé en 2011, le projet de loi 88.11 réformant la loi sur la Société anonyme ne fut adopté en conseil de gouvernement qu’en mai 2013. Simultanément, d’autres projets de textes modifiant notamment le code de commerce et la loi 5.96 sur les autres types de sociétés (société en nom collectif, en commandite simple et par actions…) ont été introduits dans le circuit législatif. Au Secrétariat général du gouvernement, l’on affirme que tous ces textes sont «toujours en instance à la Chambre des conseillers». Un dossier qui traîne, en d’autres termes.

Pourtant, cette réforme est plus qu’attendue, que ce soit par les praticiens du droit que par les opérateurs économiques. En premier lieu, parce qu’elle apporte une simplification substantielle dans le fonctionnement des entreprises. A cet effet, le projet modifie l’article 12 de la loi 17-95 relatif aux mentions obligatoires des statuts de la société.

Ces statuts devront contenir le nombre d’actions émises et leur valeur nominale, en distinguant les différentes catégories d’actions créées et les droits afférents à chacune de ces catégories. Un amendement qui vise à apporter «une meilleure information des actionnaires et des tiers, en particulier lorsque la société émet des actions présentant des particularismes susceptibles d’influer sur le fonctionnement des assemblées générales (actions à droit de vote multiple ou actions à dividende prioritaire sans droit de vote, etc.)», comme le précise la commission chargée de l’élaboration de la nouvelle mouture.

Dans la même veine, le projet prévoit la simplification de la procédure de retrait des fonds provenant des souscriptions en numéraire (art. 34) en permettant au mandataire du conseil d’administration ou du directoire de retirer les fonds par la simple remise d’une attestation justifiant que la société a été immatriculée au registre du commerce.

En outre, afin d’alléger le formalisme de dépôt des états de synthèse et du rapport du commissaire aux comptes au greffe du tribunal, le projet de loi prévoit la dématérialisation des procédures afin de permettre le dépôt en ligne. «Cette mesure permettra aux investisseurs de gagner du temps et de réaliser des économies, en termes de frais et de déplacements», indique-t-on du côté du ministère de l’industrie.

La nomination d’un vice-président du conseil de surveillance sera facultative

Concernant la gouvernance, trois mesures sont prévues. La première vise à conférer un caractère facultatif à la nomination d’un vice-président du conseil de surveillance (art.90) ; l’ancienne disposition, qui accorde un aspect obligatoire à cette nomination, alourdit le fonctionnement du conseil de surveillance et crée la confusion de responsabilité entre le président et le vice-président.

Deuxième mesure : les rédacteurs ont ajouté un nouvel article, 106 bis, qui impose aux sociétés, dont les actions sont inscrites à la cote de la Bourse des valeurs, l’institution d’un comité d’audit chargé notamment d’assurer le suivi de l’élaboration de l’information destinée aux actionnaires, au public et au CDVM, ainsi que le suivi de l’efficacité des systèmes de contrôle interne, d’audit interne, du contrôle légal des comptes sociaux et, le cas échéant, de gestion des risques de la société. La troisième mesure consiste à conférer au directoire le droit de convoquer l’assemblée générale (art. 116). C’est ce directoire qui assure le fonctionnement quotidien de la société, établît les états de synthèse et le rapport de gestion.

Les conventions réglementées feront également l’objet d’une réforme approfondie. Il s’agit des accords signés entre une société et l’un des administrateurs, directeurs généraux, directeurs généraux délégués ou un actionnaire détenant plus de 5% du capital ou des droits de vote. Avant la promulgation de la loi n° 20-05 en 2008, le champ d’application des conventions réglementées était limité aux hypothèses d’un administrateur, ou directeur général, qui conclut avec la société une opération dans laquelle il a un intérêt, direct ou indirect. Il est toutefois apparu au législateur que les risques de conflits d’intérêts ne se situaient pas seulement au niveau des administrateurs et directeur général de la société, mais aussi au niveau du directeur général délégué ou de l’un des actionnaires détenant plus de 5% du capital ou des droits de vote.

Malgré les amendements apportés par la loi n° 20-05, il s’est avéré nécessaire de combler les insuffisances de cette loi. Ainsi, la principale modification vise à clarifier les conventions conclues à des conditions «exceptionnelles». La loi n° 78-12 nuancera davantage pour que l’intérêt social ne soit pas détourné au profit de celui d’un seul actionnaire. Pour cela, l’article 57 imposera la communication au conseil d’administration de la liste comprenant l’objet et les conditions desdites conventions, et ce, dans les 60 jours qui suivent la clôture de l’exercice social. Les commissaires aux comptes n’ont pas à établir de rapport sur ce type de conventions. Toutefois, tout actionnaire a le droit d’obtenir la communication de la liste et de l’objet des conventions. Il s’agit donc simplement d’une information, aucune approbation n’étant requise.

Les personnes physiques pourront exercer une activité chez elles

Autre point important : pour faire face à un foncier de plus en plus inaccessible, beaucoup d’entreprises recourent, lors de leur constitution, à la domiciliation, c’est-à-dire qu’elles élisent domicile dans l’un des centres d’affaires ou auprès d’une autre personne morale ou physique moyennant une redevance fixée selon les services offerts par le domiciliataire. A part une instruction du ministère de la justice qui plafonne à six mois la durée maximum de domiciliation chez un tiers, il n’y a dans le droit des affaires marocain aucune règlementation qui régit la relation entre une entreprise domiciliataire et une entreprise domiciliée.

La durée de 6 mois n’est jamais respectée. Quant à la relation entre domicilié et domiciliataire, elle fait l’objet d’un contrat précisant les obligations et les droits de chacune des deux parties selon le principe de l’autonomie de la volonté. Pour combler ce vide juridique, un avant-projet de loi portant le numéro 68-13 a été préparé.

L’exercice de l’activité de domiciliation sera soumis à certaines exigences. Parmi les conditions à remplir, il faudra justifier être le propriétaire des locaux mis à la disposition de la personne domiciliée ou titulaire d’un bail commercial de ces locaux, être en situation régulière vis-à-vis des administrations fiscales, et n’avoir pas fait l’objet d’une condamnation définitive depuis moins de cinq ans pour certains crimes et délits.

Cette interdiction s’étend également aux personnes morales dont les actionnaires ou associés détiennent au moins 25% des voix, des parts ou des droits de vote et les membres des organes chargés de la direction, de l’administration ou de gestion de l’entreprise.
Le projet prévoit par ailleurs que toute personne physique peut déclarer l’adresse de son local d’habitation et y exercer une activité, toutefois, elle est tenue d’appuyer sa demande d’immatriculation ou d’inscription modificative par l’acte de propriété ou l’accord écrit du propriétaire du local. Les conditions seront fixées par un décret.

Les personnes morales seront autorisées à installer le siège social au domicile du représentant légal et exercer une activité. Le représentant légal devra présenter, à l’appui de la demande d’immatriculation ou d’inscription modificative, l’acte de propriété ou l’accord écrit du propriétaire du local.