Affaires
L’Ona entend se lancer dans l’hôtellerie
Après Eqdom et Brasseries du Maroc, le groupe se déleste de Carnaud
Maroc
Outre une capacité d’endettement considérable, plus de 2 milliards
de DH de plus-values de cession seront disponibles.
Eqdom, Chérifienne d’engrais, Brasseries du Maroc et… Carnaud. Le groupe Ona poursuit sa politique de cessions entamée depuis plus d’un an. A cette liste viendront s’ajouter sous peu Cellulose du Maroc, déjà mis en vente en attendant un repreneur solide, et Somacovam, société de bourse. Quelle logique derrière tout cela ? Une question que se posent les observateurs depuis uncertain temps déjà et cela d’autant que l’exemple des Brasseries exclut toute logique sous-tendue par un souci de rentabilité. Machine à cash, puisque ciblant les particuliers, l’activité boissons gazeuses et alcoolisées ne rapportait certes pas autant que Lesieur Cristal, par exemple, mais elle était fort rentable et, de surcroît, dotée d’un potentiel d’évolution non négligeable. Driss Oudrhiri, directeur central du contrôle de gestion et du plan au sein du groupe a, lui, une vision différente : «Oui, c’était une affaire rentable, mais nous n’avions que 40% du volume des ventes sur le marché des boissons gazeuses et pas de taille critique pour être leader sur ce marché. Il nous manquait aussi la dimension internationale. De manière générale, le protefeuille était trop dispersé. Il y avait une activité de trop».
Recentrage ? Certes, mais également plus-values substantielles
Dans le cas de Carnaud (autre activité de trop ?), la stratégie a été tout autre. En procédant à un échange d’actions avec Crown cork & Seal, l’Ona récupérera 47,8% de CMB (Compagnie marocaine d’emballage) et cédera les 34,1% qu’il détenait (à travers la SNI bien sûr) dans le fabricant d’emballage métalliques. Une opération en apparence anodine mais qui est intéressante à plus d’un titre. D’une part, le groupe s’assure le contrôle total de CMB qui fabrique bouchons et préformés en PET, dont ses filiales Lesieur Cristal et Sotherma (Sidi Harazem) sont de gros consommateurs. D’autre part, il empochera, une fois que l’opération sera validée par le conseil d’administration qui se tient à la mi-septembre, une plus-value se chiffrant en centaines de millions de dirhams. En somme, une manière de joindre l’utile à l’agréable.
Cependant, force est de reconnaître que cet «utile» n’a pas toujours motivé les cessions et que «l’agréable» est plutôt conséquent. Pour M. Oudrhiri, il ne faut pas chercher midi à quatorze heures : «Les opérations de cession sont uniquement motivées par un recentrage sur les métiers que nous voulons conserver, ceux qui sont stratégiques à nos yeux». Mais encore ? «Notre priorité est de renforcer encore plus les champions traditionnels : mines et matériaux de construction, agroalimentaire, distribution et activités financières». Bref, une revue des quatre pôles du groupe ; mais l’explication reste peu convaincante, la cession d’Eqdom et des Brasseries en étant un contre-exemple indéniable. Par ailleurs, il n’a échappé a personne qu’en quelques mois le groupe a amassé un trésor de guerre considérable.
Rien qu’avec les deux dernières entreprises, le produit de cession s’élève à plus de 1,4 milliard de DH. Si l’on ajoute à cela la plus-value sur Carnaud et la remontée de dividendes distribués par les filiales à l’issue de l’exercice 2002, ce serait en toute logique plus de 2 milliards de DH qui vont en fin de compter alimenter les caisses de la holding. «On a trop spéculé à ce sujet, s’indigne Driss Oudrhiri ; quoi de plus normal que de vendre pour mieux se consacrer à l’essentiel. Quoi de plus normal aussi que de rétribuer les actionnaires ?». Oui, mais que faire de cet argent ? Rembourser des dettes onéreuses ? Peu vraisemblable. Un simple coup d’œil sur les comptes du groupe à fin 2002 révèle l’aisance financière dans laquelle il se trouve. Le taux d’endettement de l’Ona (endettement net/capitaux propres consolidés) est à peine de 13,3%. Mieux, sa capacité d’autofinancement lui permettrait d’apurer l’ensemble de ces dettes en neuf mois seulement… s’il le voulait.
Etre majoritaire dans les partenariats : une constante managériale
Ce trésor doit bien en fin de compte servir à quelque chose ? «Comme toute entreprise qui cherche à aller de l’avant, nous sommes à l’affût des opportunités aussi bien dans le domaine des NTI, de l’environnement et assainissement que dans le tourisme», explique le directeur du contrôle de gestion. De fait, les NTI étant conjoncturellement dans une mauvaise passe, on voit mal l’Ona s’engager plus dans ce secteur, à l’heure actuelle même si, à l’automne dernier, il avait manifesté l’intention de postuler pour la seconde licence du fixe avant de se raviser et d’envisager l’opportunité d’acquérir une part de Maroc Telecom. Las, le morceau était trop gros et le groupe ne voulait pas jouer les seconds rôles par rapport à son partenaire éventuel. Exit donc les télécoms pour le moment.
Par ailleurs, les opportunités dans les activités d’assainissement sont relativement limitées et leur retour sur investissement est de l’ordre du long terme. Pas suffisant pour le groupe ? Partiellement, car il a aussi besoin de se positionner dans un créneau d’avenir plus prometteur à court terme. Ce sera donc le tourisme.
«Effectivement nous envisageons très sérieusement de nous investir dans ce secteur, mais ce n’est pas le seul», nuance M. Oudrhiri. Et pourtant…
Il y a quelques mois, des contacts avaient eu lieu entre l’Ona et la Sotoram (filiale touristique de la RAM) en vue d’un éventuel partenariat… Sotoram s’était finalement tournée vers la Sogatour (filiale touristique de la CDG). Et pour cause, l’Ona voulait être majoritaire. Un appétit qui prouve bien que le holding n’entendait nullement se positionner dans une optique de placement mais d’investissement.
De plus, un réaménagement de l’organigramme métiers est perceptible. L’activité «immobilier et aménagement» est en passe de devenir le pôle «tourisme, immobilier et aménagement». Et c’est Jamal Agueznaï, actuel président du directoire de Cofarma (Marjane), mais aussi ex-patron de Ona immobilier, qui en prendra les commandes. Il sera rejoint par Abla Benabdellah, actuel directeur de la communication, qui occupera le poste de chef de projet. D’autres nominations sont imminentes, comme celle de Tajeddine Guennouni (ex-DG des Brasseries du Maroc) à la tête du directoire de Cofarma et celle de Saâd Filali (ex-DG de TFZ, remplacé par Jamal Mikou) à la tête de Sapino (ZI de Nouaceur).
Bref, l’Ona entend donc jouer un rôle de premier plan dans la vision 2010. Mais pourquoi s’est-il désisté pour le plan azur ? «Nous ne voulons pas être des aménageurs-développeurs mais des acteurs à part entière du tourisme. Construire et gérer des hôtels et des complexes touristiques par exemple». La messe est dite.
