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Litige fisc-banques : issue imminente ?

Procès et requête suivent leurs cours alors que d’intenses consultations ont lieu en coulisses.

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Le litige fiscal qui oppose, depuis fin 2002, la direction générale des Impôts à trois banques de la place, à savoir Wafabank, Crédit du Maroc et la Banque centrale populaire (BCP), est probablement à la veille d’une issue, selon les déclarations de sources autorisées à Rabat. Alors que le recours en justice, déposé début 2003 par Wafabank et CDM auprès du tribunal administratif de Casablanca, suit son cours, les différentes parties continuent de se concerter en vue de trouver un arrangement à l’amiable pour une affaire qui n’a que trop duré.
Rappelons qu’à la suite d’un contrôle effectué en 2001 auprès des trois établissements concernés, la Direction des impôts (DI) leur avait notifié des anomalies et, par la suite, demandé un redressement fiscal. Trois motifs invoqués : le niveau des provisions jugé «trop élevé», les agios réservés non intégrés dans les produits et, enfin, le non-prélèvement (à la source) d’un impôt de 10 % sur les intérêts servis aux clients MRE sur leurs dépôts à terme. Ce faisant, elle était dans son rôle et entendait appliquer strictement la loi.

Selon Bank Al Maghrib, un règlement à l’amiable interviendra avant fin janvier

Aujourd’hui, le procès en cours au tribunal administratif de Casablanca concerne le dernier volet, celui des dépôts MRE puisque Wafabank et CDM, à qui le fisc réclame respectivement 74 et 41 MDH (hors pénalités de retard), ont décidé d’ester en justice. La BCP, qui s’est vu réclamer quant à elle 800 MDH (dont 480 millions en nominal et 300 millions de pénalités de retard), avait pour sa part choisi de temporiser, en vertu de son statut d’établissement public, mais aussi après avoir reçu des promesses du ministre des Finances de régler le problème à l’amiable. Ces événements remontent à fin 2002 et, depuis, chacun campe sur ses positions. Bank Al-Maghrib (BAM), qui est restée pendant longtemps à l’écart de la polémique, tente depuis quelques semaines de jouer au médiateur. Un haut responsable à la banque centrale confirme ainsi que «le litige sera et devra de toutes les manières être réglé avant fin janvier, pour la simple raison que les banques devront arrêter leurs comptes pour préparer la liasse fiscale». Il y a aussi une autre motivation des autorités à résoudre le problème : la privatisation de la BCP est programmée pour juin 2004, selon des sources bien informées. Or on ne peut présenter aux acquéreurs une situation financière sur laquelle pèse un risque fiscal de 2 milliards de DH environ.
Du côté de la direction des impôts, le son de cloche est évidemment de s’en tenir à la loi. Contacté par La Vie éco, Noureddine Bensouda s’est simplement contenté de dire qu’à sa connaissance, «aucun dénouement n’est en vue et que la direction maintient sa position initiale». Pour le reste, le directeur des impôts s’est refusé à tout commentaire quant au fond du sujet, en invoquant «l’obligation de réserve» et le secret professionnel.

La BCP a introduit une requête auprès de la commission nationale de recours fiscal
Du côté des banques, c’est le flou. A Wafabank, par exemple, on se dit prêt à toutes les solutions, qu’elles soient à l’amiable ou par voie judiciaire. Mais l’essentiel, comme le rappelle un membre du top management de la banque, «c’est de régler le problème de manière définitive et à la source, c’est-à-dire au niveau du texte de loi lui-même car d’autres banques, en cas de contrôle fiscal, peuvent se retrouver dans la même situation».
Le problème avait été partiellement résolu quand l’Etat avait finalement décidé de défiscaliser explicitement les dépôts des MRE, à partir de 2003. Reste le problème des provisions.
Auprès de la BCP, les décideurs ne semblent guère plus avancés que leurs confrères de Wafabank. Hassan Basri, directeur général adjoint et responsable du pôle ressources et production, explique ainsi que, «malgré des contacts très intenses en coulisses, il n’y a encore rien d’officiel ni du côté du ministère des finances ni des autorités monétaires». Il signale, au passage, que la BCP a introduit une requête devant la commission nationale de recours fiscal, depuis quatre mois, au sujet de l’autre volet du litige c’est-à-dire les provisions et les agios réservés et qu’à ce jour «nous attendons d’être convoqués». Mais là aussi, pas de chance pour la BCP car le président de la commission, le juge Ahmed Alami, est décédé en novembre 2003.
Depuis cette date, et en attendant que le Premier ministre nomme un nouveau président, l’intérim de la commission est assuré par le juge Bayahia qui ne peut qu’expédier les affaires courantes.
En attendant, pour le litige au sujet des 10 % à prélever par les banques sur les dépôts MRE, la procédure judiciaire suit son cours normal. Après une réplique adressée en mars 2003 par la DI au juge, un document volumineux faisant plus d’une centaine de pages, les banques devaient répondre à leur tour. Mais, selon nos sources, la défense de Wafabank et du CDM, qui devait remettre au tribunal administratif le mémorandum de réponse jeudi 15 janvier, a demandé un délai supplémentaire.
Mais peut-être qu’elle sera dispensée de rédiger cette réponse au cas où les parties viendraient à trouver un arrangement d’ici là. Et à en croire Bank Al-Maghrib et le GPBM, la sortie de crise est effectivement imminente.


Une loi, plusieurs lectures

L’article 34 de la loi n° 17-89 sur l’IGR stipule que «les contribuables résidant au Maroc et payant à des personnes physiques non résidentes des rémunérations énumérées à l’article 19 ci-dessus, doivent opérer, pour le compte du Trésor, la retenue à la source de l’impôt…». Parmi ces rémunérations, l’article 19 de la loi cite en alinéa 7 «les intérêts de prêts et autres placements à revenu fixe». Mais toujours dans la même loi, à l’article 10, on lit que ces rémunérations doivent être perçues «en contrepartie de travaux exécutés ou de services rendus pour le compte de personnes physiques ou morales domiciliées au Maroc».
Les banques devaient, selon le fisc, verser à l’Etat un prélèvement de 10 % sur les intérêts qu’ils servent aux MRE qui détiennent des dépôts à terme, considérant implicitement donc que lesdits intérêts sont des revenus professionnels. La loi étant floue, les banquiers disent avoir mené des consultations juridiques qui ont abouti à l’interprétation suivante : les intérêts servis aux dépôts à terme détenus par les MRE, ne sont pas des revenus professionnels et ne sont donc pas assujettis au prélèvement à la source des 10 %. L’alinéa 7 a été modifié dans la Loi de finances 2003 et les dépôts de MRE ont été explicitement défiscalisés.