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Affaires

Les droits de douane sur le blé tendre ramenés à  55 %

Pour prévenir la pénurie, les droits de douane ont baissé
pour la deuxième fois en moins de deux mois.
La farine subventionnée reste la principale difficulté de la filière.
Des minoteries ont fermé et d’autres sont en redressement judiciaire,
selon les professionnels.

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Les droits de douane sur l’importation du blé tendre, fixés à un niveau élevé (135 %) en juin 2003, viennent d’être ramenés à 55% (à partir de lundi 8 décembre), après avoir subi une première baisse le 15 octobre dernier (90 %).
Cette mesure, très attendue par les professionnels dont l’activité a beaucoup ralenti ces derniers mois, en raison d’une diminution notable des approvisionnements, a été décidée pour éviter une pénurie de ce produit. Comment en est-on arrivé là ?
Anticipant une assez bonne récolte céréalière, les pouvoirs publics avaient décidé en juin dernier d’élever les droits de douane à 135 % afin de protéger la production nationale. Seulement voilà : sur les 32 millions de quintaux de blé tendre produits localement, les agriculteurs n’ont pas tout vendu ; «ils en ont gardé une bonne partie pour les semences et leur subsistance propre», explique-t-on à l’Association professionnelle des minoteries de la région Centre. Et même les quantités livrées aux organismes de stockage n’ont pas été rapidement mises sur le marché, les «stockeurs» devant garder la récolte au moins quinze jours pour pouvoir encaisser les frais de magasinage. Il s’en est suivi une quasi-rupture des approvisionnements des minoteries que les importations n’ont pu combler. Entre le 1er juin et le 30 septembre 2003, en effet, seulement 7,9 millions de quintaux de céréales ont été importés, contre une moyenne de 25 millions de quintaux les années précédentes. Et sur ces 7,9 millions de quintaux, le blé tendre n’a représenté que 12%, contre 50 % sur l’ensemble des importations une année auparavant.

Renchérissement des cours mondiaux et du fret
Ce repli des importations de céréales, spécialement du blé tendre, les professionnels l’expliquent par deux facteurs concomitants: la hausse des droits de douane sur le blé tendre et le renchérissement à la fois des cours du blé sur le marché international et du coût du fret. «En Europe notamment, la récolte n’a pas été bonne en raison de la sécheresse qui y a sévi. Les prix ont par conséquent augmenté. Or, il se trouve que l’essentiel des importations marocaines de blé tendre proviennent de l’Europe», indique-t-on à l’Office national interprofessionnel des céréales et légumineuses (ONICL). En y ajoutant les coûts du fret (environ 15 dollars la tonne à partir de la France) et les frais d’approche, le prix du quintal départ port vers les minoteries se négociait autour de 280 dirhams, soit 20 dirhams de plus par rapport au prix fixé dans l’accord de modération conclu entre les pouvoirs publics et les professionnels en 1988. Sauf à accepter un réajustement du prix du pain en aval (ce qui n’a pas été possible, on l’a vu), personne n’était disposé à vendre à perte – même si, sur la petite quantité importée, des minoteries ont dû consentir une contraction de leur marge, voire, selon certains professionnels, une perte pure et simple. A l’ONICL, on reconnaît d’ailleurs que cette situation a effectivement porté préjudice aux minotiers, d’où la décision de baisser encore les droits de douane.
En fait, de l’avis de la plupart des intervenants dans cette filière, y compris les pouvoirs publics, le vrai problème qui se pose aujourd’hui tient moins à des causes conjoncturelles (fluctuation des cours mondiaux des céréales et donc, à chaque fois, réajustement des droits de douane, toujours en retard) qu’à une cause structurelle : la subvention de la farine nationale de blé tendre. « Tout le problème vient de là : pourquoi ne pas parachever la libéralisation de cette filière puisque, tout le monde le sait, la subvention que donne l’Etat pour les 10 millions de quintaux de blé tendre pour venir en aide aux couches défavorisées, profite davantage aux riches qu’aux pauvres ?», s’interroge un responsable à l’association des minoteries du Centre. «Les gens ont peur de la libéralisation pensant à tort qu’elle est forcément synonyme d’augmentation du prix du pain. On a vu que la libéralisation de la filière des huiles a eu un résultat contraire», commente le même responsable.

Les minotiers disent accepter une libéralisation conditionnée
Ce dernier révèle que pour apaiser les craintes nourries à ce sujet, les professionnels sont disposés à accepter une libéralisation conditionnée, c’est-à-dire qui ne changerait pas grand-chose à la situation d’aujourd’hui. «Maintenant, si l’Etat tient toujours à soutenir ce produit, il faudrait qu’il révise la marge de mouture qui n’a pas changé depuis 1988 et qu’il rétablisse le forfait transport qu’il nous a supprimé depuis juin 2000», précise notre interlocuteur. A défaut, prévient-il, le secteur va à sa perte. «Soixante moulins sont en difficulté, dont trente sont en redressement judiciaire. A Casablanca, six moulins de blé tendre ont fermé en 2003», conclut-on à l’association des minoteries du Centre.
Abderrazak Mossadeq, ministre de l’Economie en charge de ce dossier, est déjà bien avancé dans la réflexion autour de la subvention tous produits confondus. Reste la décision politique