Affaires
Le débat autour du monopole dépassé par les événements
L’incendie du 18 septembre impose de facto une seule solution : délocalisation de la raffinerie, diversification des approvisionnements.
Quelques jours avant l’incendie du 18 septembre, la question du monopole de la Samir dans le domaine de l’approvisionnement en produits pétroliers était de nouveau au premier plan de l’actualité. La tenue à Marrakech du MIOG (Salon international du pétrole et du gaz) avait en effet fourni une tribune au raffineur national pour défendre sa position.
Aidée par des conférenciers étrangers et bien servie par le bagout légendaire de son directeur général Abderrahmane Saaidi, la Samir a en gros délivré les messages suivants :
– une raffinerie n’est viable que si elle fonctionne à quasiment 100% de ses capacités ;
– cela n’est possible que si la Samir reprend le monopole de l’approvisionnement en produits pétroliers (après l’incendie d’octobre 2002, l’Etat avait suspendu les droits de douane et autorisé les distributeurs à importer pour couvrir le tiers des besoins du marché, la Samir n’ayant plus la capacité de le faire) ;
– faute de ce retour au monopole, la Samir va fermer ses portes, ce qui exposerait le pays à un risque grave ; en effet, un pays de trente millions d’habitants ne peut pas se passer d’une raffinerie sur son sol. D’une part, le Maroc deviendrait dépendant des marchés extérieurs de produits raffinés. D’autre part, les distributeurs courraient des risques financiers s’ils assuraient eux-mêmes la totalité des approvisionnements. Et enfin, le Maroc perdrait le savoir-faire acquis dans ce domaine.
Voilà donc l’argumentaire de la Samir : apparemment cohérent et adossé à l’indiscutable impératif de l’intérêt général. Le problème, c’est qu’il ne tient pas compte de toutes les données, selon les distributeurs.
Faiblesses du monopole
En fait, il y a mille et une manières de poser le problème du monopole de la Samir : enjeux financiers (comme on l’écrit parfois dans les journaux), qualité du carburant produit et santé des habitants (présence de soufre dans le carburant), cahier des charges et contrat entre les actionnaires et l’Etat marocain, stratégie industrielle à long terme, etc. Mais l’objectif le plus important, que l’on ne doit pas perdre de vue, c’est la sécurité. Sécurité publique (préserver tout risque au niveau de la ville de Mohammédia) et sécurité de l’approvisionnement. Deux problèmes différents et complémentaires.
La question de la sécurité se pose depuis l’incendie d’octobre dernier et encore plus aujourd’hui, après l’incendie de la semaine dernière. La direction de la Samir souligne à raison que «le risque zéro n’existe pas». Mais puisque le risque zéro n’existe pas, pourquoi maintenir une raffinerie au cœur de la ville ?
Avant le premier incendie, le contrat liant l’Etat aux actionnaires saoudiens de la Samir était très clair : le raffineur avait obligation de mettre l’outil de production en conformité avec les normes européennes en matière de qualité du produit. L’Etat lui garantissait un monopole absolu jusqu’en 2002 puis une progressivité du démantèlement des droits de douane jusqu’en 2009.
Le contexte a aujourd’hui bien changé. D’une part, la Samir n’a pas réalisé la mise à niveau de son outil de production en matière de normes européennes. D’autre part, les deux incendies ont ouvert les yeux de tout le monde sur les faiblesses du monopole : une raffinerie dans la ville, c’est un risque élevé, qui fait vivre la population dans une inquiétude permanente ; un seul port pétrolier et un seul raffineur, c’est une situation qui s’est avérée trop fragile pour ne pas être dangereuse. Elle fait porter un risque certain, et éprouvé par l’expérience, à la sécurité de l’approvisionnement et à la sécurité publique.
Alors, que faire aujourd’hui ? Depuis une année maintenant, au nom de la sécurité de l’approvisionnement justement, le Maroc connaît un système inédit : la Samir assure les deux tiers des approvisionnements pétroliers et les distributeurs le tiers restant. Sans cela et sans la suspension des droits de douane, l’économie se serait arrêtée.
Sur le plan de la sécurité publique, la réaction énergique des pouvoirs publics, consistant en la délocalisation de la Samir, a rassuré la population de Mohammédia. Concernant la sécurité de l’approvisionnement, le contexte actuel pousse à maintenir le système actuel marqué par une ouverture limitée de l’approvisionnement aux opérateurs, sachant que ces derniers ont besoin de visibilité pour programmer leurs investissements. C’est la solution la plus sage. Elle a fini par s’imposer d’elle-même
