SUIVEZ-NOUS

Affaires

Le Conseil de la concurrence, un organe fantôme

Depuis sa mise en place à la mi-2002, le Conseil de la concurrence ne
s’est réuni que deux fois.
Le ministère des Affaires économiques et générales
a récupéré une partie de ses prérogatives et tout
le monde s’en accommode.

Publié le


Mis à jour le

rub 248

Plus de deux années après son entrée en vigueur (juillet 2001), la loi sur la concurrence connaît encore quelques blocages dans son application. La raison : une pièce maîtresse du puzzle, en l’occurence le Conseil de la concurrence, brille par son absence. Pourtant, cette instance a été bel et bien mise en place, puisque, à la mi-2002, le président et les douze membres devant la composer ont été désignés. Mieux encore, la construction du bâtiment devant l’abriter a été lancée suite au déblocage d’une enveloppe de 3 MDH. Aujourd’hui, ce conseil est fantomatique et ne s’est réuni, selon certains de ses membres, que deux fois. Pourquoi le Conseil de la concurrence n’est-il pas fonctionnel ? Qui gère aujourd’hui les dossiers et les plaintes des consommateurs et des entreprises ?

Le conseil serait en mal d’indépendance
A la première interrogation, deux types de réponses ont été donnés. Certains membres de cette instance restent prudents. Ils se contentent d’affirmer qu’ils ignorent les raisons du blocage et que seul le président du conseil est en mesure de donner la réponse. Ce dernier, Othmane Demnati, ancien ministre de l’Agriculture et qui officiait, il y a juste quelques mois, à la tête de l’ANRT, est injoignable… Saura-t-on jamais pourquoi il ne convoque pas les membres du conseil ? Selon des sources proches du dossier, il n’aurait pas les moyens humains et matériels nécessaires pour faire son travail. Toutefois, ces sources ne manquent pas de signaler que M. Demnati «a quand même étudié deux dossiers qui lui ont été soumis». C’est très peu pour une structure qui a la charge, selon le décret d’application, de veiller au respect de la loi car, depuis la constitution dudit conseil, une multitude de cas devaient juridiquement être examinés par le conseil. Entre autres, l’augmentation des primes accidents du travail et, plus récemment, la fusion BCM-Wafabank ou encore l’augmentation du prix du pain.
Tous les membres du conseil ne se montrent pourtant pas frileux. De l’avis de l’économiste Larabi Jaïdi, qui fait partie des douze, «le conseil tout comme la loi sur la concurrence a donné beaucoup d’espoir, mais c’est tout. Aujourd’hui, le conseil est en veilleuse et par conséquent, on peut dire que la loi n’est toujours pas entrée en vigueur puisque la pièce maîtresse du système ne fonctionne pas. Aujourd’hui nous faisons beaucoup plus de la figuration qu’autre chose».
Le conseil a, faut-il le rappeler, un rôle essentiellement consultatif puisqu’il est appelé à donner un avis sur les plaintes dont il est saisi, sur les textes réglementaires pouvant restreindre la concurrence et, enfin, préalablement, sur la fixation des prix dans certains secteurs où les pouvoirs publics continuent, pour des raisons structurelles, d’intervenir.
Les fonctions sont certes arrêtées, mais leur exercice est loin d’être évident. Selon M. Jaïdi, «aujourd’hui, ce conseil connaît des limites dont les plus importantes sont les modalités de son fonctionnement, puisque seul le président peut provoquer les réunions, et de sa saisine puisque celle-ci est du ressort de la Primature qui étudie les plaintes et qui reste seul maître de la suite à donner». Et de souligner que «le montage du Conseil de la concurrence est empreint d’une approche administrative, ce qui n’est pas forcément bon. Le conseil devrait être, comme dans toutes les expériences internationales, une instance autonome et indépendante».
Larabi Jaïdi, qui ne mâche pas ses mots, va jusqu’à dire «que si aujourd’hui, le conseil n’est pas opérationnel, c’est parce qu’il y a un manque de volonté politique aussi bien au sein de la Primature qu’au niveau de la présidence du conseil».

A ce jour, aucune structure ne peut trancher sur les pratiques anti-concurrentielles

Pour l’heure, les dossiers et les plaintes pour pratiques anti-concurrentielles sont examinés au niveau du ministère des Affaires économiques et générales et de la Mise à niveau de l’économie. C’est plus exactement une division de ce ministère, le Pôle de libéralisation de l’économie, qui gère ces dossiers. A quel titre et pourquoi ne renvoie-t-elle pas les plaintes à l’organe dont c’est justement la vocation ? Aucune réponse sur ce point. D’ailleurs, combien d’entreprises aujourd’hui savent que le Conseil de la concurrence existe et quelle procédure suivre en cas de plainte ?
Toujours est-il qu’ au cours de l’année 2003, le Pôle de libéralisation de l’économie a été saisi de trois cas concernant le secteur des boissons gazeuses, l’industrie du carton et le transport maritime. Comme le conseil, le pôle ne tranche pas, il donne un avis pouvant aider les parties en conflit à trouver un terrain d’entente. A défaut, l’affaire peut être portée devant la justice qui tranchera en dernière instance. Cependant, là encore, il y a blocage car, selon un expert, «les juges ne sont pas bien formés en la matière. Et d’ailleurs, pour plusieurs affaires, ils se sont déclarés incompétents». C’est pourquoi, proposition est faite de créer des chambres spécialisées en matière de concurrence au sein des tribunaux ou du moins dans les plus importants d’entre eux.
Par ailleurs, d’autres pistes sont proposées pour relancer l’application de la loi sur la concurrence, notamment le regroupement des divers organes ministériels s’occupant du contrôle des prix et de la répression des fraudes en une seule instance, qui aurait pour charge le «contrôle économique».
Le département de Abderrazak Mossadeq envisage de relancer la campagne de sensibilisation entamée il y a une année environ. Des «salons tournants» se tiendront dans les différentes régions du pays en concertation avec les chambres professionnelles ainsi que les Centres régionaux de l’investissement (CRI). Tout cela a un goût de déjà vu car toutes les actions prévues ont déjà été annoncées et certaines d’entre elles entamées en 2001. Deux années plus tard, on peut dire que l’on en est au même point