SUIVEZ-NOUS

Affaires

Grandes manÅ“uvres pour le contrôle de la CGEM

Les défenseurs de la PME parlent d’incompatibilité des intérêts.
Ils soulignent ainsi la bataille pour la baisse du prix de l’énergie,
alors que celle du taux de l’IGR n’a pas suscité le même
engagement. Ils craignent une scission de la CGEM et la mise en place de deux
représentations : une pour les grands patrons et une autre pour les petits.

Publié le


Mis à jour le

L’opération que mène la CGEM pour courtiser les grands groupes créera-t-elle une scission au sein de la confédération ? Depuis des semaines, le comité de travail en charge de la réforme des statuts du syndicat patronal est sous les projecteurs. Nombre d’observateurs attendent avec intérêt le sort que le comité réserve aux grosses pointures de l’économie nationale. Et il faudra vraisemblablement patienter d’ici à fin 2004 pour en avoir le cœur net. En effet, la procédure à laquelle sera soumise l’adoption du nouveau statut fixe les étapes à franchir.
La première est la présentation des propositions par le comité de travail, d’ici juin prochain. Après validation du bureau de la confédération, les propositions qui dégageront les tendances de la réforme seront présentées aux membres de la CGEM. Ces derniers auront deux mois pour formuler leurs commentaires, pour passer enfin, en octobre prochain, à la rédaction du projet qui sera validé par le bureau puis présenté pour le vote de l’assemblée. Ce qui promet un débat passionné. Et pour cause, le nouveau statut entend réajuster les équilibres entre les différents adhérents de la confédération. Comment ?

La CGEM, une tribune pour défendre ses intérêts sans risque d’être sanctionné

«La tendance de la réforme est de passer d’une situation extrême qui met sur le même pied d’égalité une PME de 10 personnes et un groupe employant des centaines de personnes et dont le chiffre d’affaires se mesure par rapport à son impact sur le PIB, vers une position médiane qui fait ressortir le poids de chacun par une proportionnalité des voix», explique d’emblée Abdelhak Sedrati, coordinateur du comité de travail en charge du dossier.
Il faut dire que, jusqu’à
présent, cette problématique n’a pas été abordée en réunion. Mercredi 14 avril, une réunion s’est tenue pour discuter de la qualité de membre alors qu’une semaine auparavant, c’était l’objet de la confédération. Mais, tôt ou tard, la question des grands groupes sera posée et le débat promet d’être houleux.
Il ne faut pas oublier, en effet, que la relation entre les grands groupes et la CGEM a pris un autre tournant après les dernières élections de la confédération. Hassan Chami, l’actuel président, a dû faire face à un vote-sanction de certains groupes de la place. Depuis, il a tenté de les rallier en multipliant les contacts pour comprendre et canaliser leurs attentes. Pour parer au plus pressé, au lendemain des élections, le patron des patrons a fait jouer une fiction statutaire pour mettre en place un comité de grands groupes. Ensuite, il a tenu à ce que les contacts soient récurrents à travers des déjeuners et des rencontres informelles.
Cette opération de séduction aura forcément un prolongement dans la réforme des statuts. Pour certains membres de la confédération qui ont requis l’anonymat, «le comité des grands groupes est foncièrement anti-démocratique et le nouveau statut cherchera à le légitimer». Pour d’autres, il faut une lecture politique des manœuvres des grands groupes qui «gagneront à passer par la CGEM dont les revendications se font au nom de toute la communauté d’affaires et non pas au nom d’un groupe. L’enjeu pour la confédération est de jouer le rôle de fédérateur de toutes les demandes quelles qu’en soient les sources», estime un membre de la confédération.
En effet, les grands groupes ont compris qu’il est préférable de s’abriter derrière la CGEM, d’autant que celle-ci est souvent associée aux grands chantiers du pays. Sa force de proposition et de négociation est indéniable. La contrôler ou y être influent est la voie idoine. Pour preuve, des sources proches de certains groupes de la place estiment que le choc du dialogue social n’a pas encore été digéré. «La confédération s’est fait avoir sur certains points et il est important d’orienter ses options sur certains dossiers et de l’appuyer au moment des négociations», expliquent-elles.
Autre argument : l’aval des grands groupes évitera les surprises et l’équipe sortante aura toute latitude pour placer son homme sans heurts. M. Sedrati n’abonde pas dans ce sens : «Notre objectif est l’équilibre et non pas de constituer une position dominante au sein de la CGEM. D’ailleurs, ces groupes ont voté contre Chami et rien ne les empêche d’user de leur futur pouvoir pour éliminer quelqu’un du bureau actuel». Et, le fait d’avoir fixé fin 2004 comme date limite de la réforme renseigne sur le souhait que cette démarche ne soit pas dictée par des objectifs électoraux.

La CGEM saura-t-elle sauvegarder les intérêts de tous ses membres et donc,à terme, les siens ?

Il reste maintenant à rassurer les PME de la confédération. Etant lui-même patron de PME, M. Sedrati reste sensible aux intérêts de cette catégorie d’entreprises, mais ne voit pas en quoi cette opération pourrait leur porter atteinte. Mais la PME s’inquiète quand même sur le sort qui lui sera réservé. Ses défenseurs avancent même l’incompatibilité des intérêts. Pour exemple, ils soulignent la bataille pour la baisse du prix de l’énergie, alors que celle du taux de l’IGR n’a pas suscité le même engagement. La crainte est grande que l’idée de scinder la CGEM fasse son chemin pour mettre en place une représentation des grands patrons et une autre confédération pour les petits. Un industriel, président de commission au sein de la CGEM, adopte une approche politique pour s’inscrire contre cette initiative : «La CGEM est pratiquement l’aile libérale du pays et j’ai été heureux qu’elle ait pu fournir une légitimité à Driss Jettou ; ma crainte est qu’on cherche à la démembrer pour des raisons ponctuelles». Le démembrement ne joue pas en faveur de la confédération patronale. La question qui se pose dès lors est de savoir si elle aura assez d’intelligence pour sauvegarder les intérêts de tous ses membres, petits et grands? Les occasions pour le prouver ne manqueront certainement pas. A elle de savoir manœuvrer