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Affaires

Des agences bancaires sans protection

Plusieurs agences, les petites en particulier, ne tournent qu’avec trois employés
et ne sont pas protégées n Consigne donnée aux employés
: ne pas résister aux agresseurs.

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Nous ne sommes ni aux Etats-Unis ni dans une banlieue parisienne où les braquages sont presque quotidiens. Pour autant, le sentiment d’insécurité est de plus en plus perceptible dans les agences bancaires de certaines grandes villes marocaines, et notamment à Casablanca. La raison réside dans la multiplication des incidents. Par exemple, des cas d’attaque à l’arme blanche (non médiatisés), visant la caisse, dans plusieurs quartiers de Casablanca, ont été enregistrés ces dernières années. Selon le personnel des agences bancaires que nous avons interrogé, une moyenne d’une à deux tentatives d’agression est enregistrée chaque mois.
Ce phénomène, amplifié par un début de professionnalisme dans le braquage des agences, est plus accentué, ce n’est pas une surprise, dans la capitale économique que dans les autres villes. Il se concentre plus précisément dans le centre-ville où les attaques visent en premier lieu les clients. D’après les témoignages recueillis auprès de plusieurs employés, des personnes bien habillées squattent les abords des agences de taille moyenne du centre-ville afin de dénicher l’oiseau rare qui vient d’effectuer un retrait important, afin de le «dévaliser».
Danger réel ou simple psychose ? On penche volontiers pour la première hypothèse lorsqu’on écoute les doléances de chefs d’agences qui ont bien voulu, de manière anonyme cela se comprend, évoquer les problèmes rencontrés.

Certaines agences n’ont même pas de système d’alarme
Ainsi, au niveau des guichets de quartier, plusieurs défaillances sont pointées du doigt. On note en premier lieu l’insuffisance de l’effectif, très souvent limité à trois personnes, chef d’agence compris, pour les nouvelles agences. Selon les cadres de plusieurs banques, qui ont bien accepté de s’exprimer, «il est irraisonnable de limiter le nombre d’employés à trois par agence». La raison est que, lorsqu’une personne s’absente pour des motifs personnels (maladie par exemple), les deux cadres restants s’abstiennent d’effectuer les visites commerciales programmées, afin d’éviter que l’agence demeure sous la responsabilité d’une seule personne. «Quand nous sommes en clientèle, nous essayons toujours de revenir au plus vite», confie un chef d’agence. En fait, au-delà de la sécurité, c’est l’activité de l’agence elle-même qui se trouve perturbée par le sous-effectif. Les banques n’ont-elles pas conscience de ce problème ? Peut-être que oui, mais il semble que la course à l’amélioration du ratio de productivité soit, selon certains cadres, plus importante que la sécurité aux yeux des dirigeants.
En deuxième lieu, les critiques portent sur le déficit en équipements de sécurité dans les agences bancaires où «même les systèmes d’alarme font défaut», se plaint-on. Nous l’avons constaté de visu. Dans certaines agences, et il ne s’agit pas d’une seule banque, ce type d’équipements n’existe pas.

Des caméras de surveillance visibles seraient dissuasives
Souvent, même les techniques de dissuasion ne sont pas mises en œuvre. «Des caméras de surveillance visibles permettraient de dissuader les candidats au braquage. Ces caméras doivent, de préférence, être gérées par des sociétés spécialisées en vue d’accroître leur efficacité», précise un cadre bancaire.
Troisième problème, l’inexistence d’une formation adéquate pour gérer ce genre de situations. Les employés disent être insuffisamment formés pour réagir en cas d’agression. Au mieux, explique-t-on, certaines banques distribuent une notice leur expliquant la démarche à suivre, mais aucune formation pratique n’est dispensée. Et ce, quand la banque a bien voulu faire le geste car, dans la majorité des cas, ils n’ont pour information sur le sujet que la circulaire interne de leur banque les exhortant à ne pas résister aux braqueurs.
Ceci est d’ailleurs une consigne de l’ensemble du système bancaire car «la sécurité des personnes est primordiale», précise un chef d’agence. Mais encore, quid de la prévention du braquage ? On le sait, même dans le cas où le personnel d’une agence n’oppose pas de résistance, il n’est pas à l’abri d’une agression physique. Même dans les agences disposant d’équipements de sécurité, la présence de vigiles devient une nécessité impérieuse. «Les vigiles? Oui, nous en avons eu après le 16 mai mais cela a duré peu de temps, et c’était davantage pour rassurer les clients qu’autre chose», explique, amer, un chef d’agence. Seule consolation pour le système, mais pas pour les employés des petites agences qui y voient une discrimination flagrante, les agences installées au niveau des sièges bénéficient d’une protection relativement renforcée.

Les syndicats entendent saisir le GPBM sur la question
A ce jour, les syndicats représentant le personnel bancaire n’ont pas encore de plans d’action sur le sujet.
Les responsables de l’USIB (Union syndicale interbancaire), affiliée à l’UMT, forts des résultats des dernières élections professionnelles, expliquent que le problème de la sécurité dans les agences devient préoccupant, et qu’ils pensent le discuter avec le GPBM (Groupement professionnel des banques du Maroc). En France, par exemple, le thème de la sécurité bancaire fait l’objet d’une convention entre les syndicats et l’association représentant le secteur bancaire.
Visiblement, le GPBM ne souhaite pas s’exprimer sur le sujet. Nos différents appels sont restés sans réponse. Toutefois, le responsable de la sécurité d’une grande banque reconnaît qu’il y a un gap, mais indique que la situation n’est pas aussi alarmante qu’on le pense. En ce qui le concerne, des audits réguliers sont effectués de sorte à pouvoir corriger ce qui doit l’être