Affaires
CNSS : ce qui va changer
La retraite à 55 ans sera possible moyennant une prime à verser
par l’entreprise.
Le calcul des pensions se fera sur la base du salaire moyen des 120 derniers mois
au lieu des 36 ou 60 derniers.
La CNSS ne prendra plus en charge les maladies de moins de 3 jours.

Le projet de loi portant réforme du statut de la CNSS est en bonne voie. La Commission de l’agriculture et des affaires économiques de la Chambre des conseillers a en effet achevé, lundi 12 janvier, sa première lecture du projet et décidé de mettre en place une cellule chargée d’étudier les différentes observations formulées par les partenaires sociaux, notamment.
Selon un des participants à la réunion de lundi, ces observations concernent essentiellement les conditions d’ouverture du droit aux prestations, en particulier à la retraite anticipée, ainsi que la légalisation de l’activité des polycliniques.
Cela étant, confie la même source, les propositions de réforme du dahir de 1972 (32 articles amendés, un article supprimé et trois articles nouveaux), déjà approuvées par le conseil d’administration de la CNSS, donc par les partenaires sociaux et la tutelle, ont toutes été retenues dans leur substance. Les amendements attendus porteront donc sur la forme.
Quelles sont maintenant ces réformes, unanimement acceptées, il faut le rappeler, lors du Dialogue social ? On peut les regrouper en trois catégories. La première comprend des mesures destinées à améliorer la gouvernance de la CNSS. Il s’agit là essentiellement de l’élargissement des prérogatives du conseil d’administration (CA) de la caisse: outre ses attributions classiques, le CA est autorisé, en matière de recouvrement des arriérés, à déléguer au directeur général le pouvoir de réduire les pénalités de retard, voire d’en exonérer carrément l’entreprise débitrice.
Les prestations seront améliorées
La deuxième catégorie de mesures concerne l’amélioration des prestations. Il y en a plusieurs.
– La retraite à 55 ans : la mesure, réclamée par les partenaires sociaux, vise à libérer des postes de travail et donc à promouvoir une politique de renouvellement des générations, note-t-on dans l’exposé des motifs du projet de loi. Le départ anticipé à la retraite permettrait également de soulager les secteurs en difficulté, ainsi que les travailleurs exerçant des métiers pénibles. Dans le projet de loi, la retraite à 55 ans est ouverte à toute personne âgée entre 55 et 59 ans et ayant cotisé au moins pendant 3 240 jours.
A première vue, l’institution d’une retraite à 55 ans serait de nature à aggraver les difficultés financières de la CNSS ; sachant que, comme partout, le rapport entre cotisants et retraités se dégrade progressivement (voir sur ce point notre dossier sur les retraites dans LaVie Eco du 5 décembre 2003). Mais la CNSS a encadré cette mesure de manière à en atténuer l’impact sur l’équilibre financier : l’entreprise qui désire encourager la retraite anticipée doit verser une prime dont l’effet est de garantir la «neutralité actuariale» de l’opération.
– Le maintien de la majoration d’assistance par une tierce personne lorsque la pension d’invalidité se transforme, après 60 ans, en pension de vieillesse. Aujourd’hui, cette majoration d’assistance, qui est de 10 %, est supprimée dès que la personne invalide atteint 60 ans. La mesure tombe sous le sens : un invalide a d’autant plus besoin d’assistance qu’il avance dans l’âge.
– Le relèvement de l’âge d’attribution des allocations familiales, sans conditions, de 12 à 16 ans. On l’aura compris, la mesure vient en soutien à l’obligation de scolariser les enfants au moins jusqu’à l’âge de 16 ans.
– Le relèvement de l’âge d’attribution de la pension d’orphelin à 16 ans.
– L’augmentation de la période d’indemnisation de l’arrêt de travail pour accouchement de 12 à 14 semaines. Il s’agit là de se conformer à la convention 103 de l’Organisation internationale du travail (OIT) relative à la couverture sociale en matière de maternité.
– La réduction de la durée du mariage ouvrant droit à une pension de décès, qui passe de 2 ans à 6 mois seulement.
Rationalisation des indemnisations
La troisième catégorie de mesures prévues dans le projet de réforme a trait, quant à elle, à la rationalisation des indemnisations. On peut en citer trois.
– La liquidation des pensions se fera sur la base des 120 derniers mois (10 ans) déclarés, au lieu des 36 ou 60 derniers mois actuellement.
– La majoration du taux de pension minimum de 1% se fera tous les 264 jours au lieu de 216 jours actuellement.
– La réintroduction du délai de carence (de 3 jours) pour le service des indemnités journalières de maladie. Autrement dit, la CNSS ne remboursera désormais que les dossiers de maladie de plus de 3 jours. Dans le dahir de 1972, ce délai de carence était de 7 jours. En 1993, il a été supprimé. Depuis, la CNSS croule sous les dossiers de remboursement pour 1, 2 ou 3 jours de maladie, expliquent les responsables de la caisse. Reste que la réintroduction de cette mesure, si elle aura à coup sûr un impact positif sur les dépenses d’indemnisation de la CNSS (voir en encadré l’impact financier de l’ensemble des mesures de réforme), posera tout aussi sûrement des problèmes, en particulier pour les PME-PMI. Mais si les partenaires sociaux (donc les syndicats et le patronat) ont agréé cette mesure, on peut supposer qu’ils en ont mesuré les retombées. Interrogé, un chef d’entreprise de Casablanca estime en effet qu’à travers cette mesure, ce qui est visé, côté employeur, c’est surtout de lutter contre le phénomène de l’absentéisme ; mais cette lutte (donc cette mesure), pour éviter que personne n’en soit lésé, doit s’insérer dans le cadre de conventions collectives, comme c’est le cas dans les banques et les assurances.
La réforme du statut de la CNSS comporte également d’autres mesures liées au renforcement du contrôle des affiliés (hausse des amendes pour non déclaration des salariés, sévérité des sanctions en cas de non-respect de la loi ou de fausses déclarations…) ainsi qu’au règlement de la situation juridique des polycliniques.
Réglement de la situation juridique des polycliniques avant concession
Créées depuis 1979, les treize polycliniques de la CNSS n’ont à ce jour aucune base juridique. Le projet de réforme se propose de les en doter pour, trois ans plus tard, les donner en gestion déléguée, car la loi sur l’AMO prévoit qu’à partir de la troisième année de son application, il sera interdit à toute entité assurant un régime de base de couverture maladie de gérer en même temps des unités sanitaires. Autrement la CNSS ne pourra plus être à la fois juge et partie.
