Affaires
Albumine : le ministère de la santé autorise la vente par des opérateurs privés
Le centre national de transfusion sanguine, qui en avait l’exclusivité, distribue 12 000 flacons par an alors que la demande est de 24 000 flacons. Pour combler le déficit, le ministère de la santé équipe deux nouveaux centres de transfusion et ouvre le marché de ce dérivé du sang aux laboratoires privés.
Médecins et cliniques contestent les prix et les conditions de vente fixés par le privé.

Le Maroc ne couvre pas ses besoins en albumine. Chaque année, on produit 12 000 flacons de 100 ml, alors que les besoins sont estimés à 24 000, selon le Centre national de transfusion sanguine (CNTS). Produit vital pour traiter certaines maladies, notamment la cirrhose de foie ou des formes compliquées du diabète, la solution d’albumine humaine est la plus abondante des protéines plasmatiques.
Sa fonction principale est le maintien de la pression osmotique entre les espaces vasculaires et extravasculaires. L’albumine, fabriquée par le foie, a également la capacité de transporter une grande variété de substances dans le sang tels que les hormones, les acides gras, les acides aminés, les médicaments et les facteurs de coagulation.
Utilisée pour des patients admis en service de réanimation, la substance doit être administrée aux malades d’urgence pour éviter leur décès. Ce qui rend impérative sa disponibilité sur le marché qui souffre souvent de ruptures de stocks. La dernière en date remonte à 2013.
Le ministère de la santé avait alors décidé en décembre dernier d’équiper deux nouveaux centres régionaux de transfusion sanguine pour la collecte de sang et d’octroyer l’autorisation de mise sur le marché (AMM) à deux laboratoires privés pour la distribution de ce produit.
Il s’agit de Hemolab, situé à Had Soualem, qui distribue déjà d’autres dérivés du sang et de Saham Pharma SA, filiale du groupe Saham. L’objectif étant d’atteindre l’autosuffisance à l’horizon 2016. Le CNTS annonce déjà qu’elle compte porter la production annuelle d’albumine à 18 000 flacons en 2015.
Les 100 ml sont vendus à 550 DH par le CNTS contre 800 DH HT par le privé
Si la première mesure ne suscite aucun commentaire, l’ouverture de la distribution à des acteurs privés, quant à elle, est contestée dans le milieu médical. Pourquoi et quelles sont les craintes des médecins et des cliniques ?
L’albumine était jusque-là produite et distribuée exclusivement par le CNTS. Ce dernier envoie la matière première, soit 3 000 litres par an de plasma sanguin, au laboratoire français de fractionnement et de biotechnologies qui, en vertu d’une convention, produit la solution distribuée au Maroc.
Aujourd’hui, les prestataires de soins s’inquiètent car, pour eux, l’octroi d’AMM à des privés va «à l’encontre de la politique de baisse du prix du médicament et risque d’engendrer un renchérissement du coût des prestations médicales». Ils soulignent que la solution d’albumine est vendue à 550 DH le flacon de 100 ml par le CNTS.
Ce prix descendra même à 547 DH dès le 8 juin prochain, apprend-on auprès du ministère de la santé. Et selon l’Association nationale des cliniques privées et le Collège national des syndicats des médecins spécialistes du secteur privé, l’un des laboratoires, en l’occurrence Saham Pharma SA, en a fixé le prix à 800 DH auxquels il faudra ajouter la TVA de 7%.
Saham Pharma veut se positionner en tant que fournisseur d’appoint
La différence de prix est logique pour le CNTS. «Le centre est un service public qui doit assurer l’approvisionnement et la disponibilité du produit à un prix accessible pour les citoyens. Pour cela, il vend la solution d’albumine à son prix de revient. Pour les laboratoires privés la donne est différente. Ils ont un but lucratif et on ne peut pas les empêcher de réaliser un gain sur leurs ventes !», explique Mohamed Benajiba, DG du centre.
Les cliniques et médecins ne l’entendent pas de cette oreille. Outre le prix de vente qu’ils jugent élevé, ils déplorent le fait que «Saham Pharma SA impose une commande minimale».
Réagissant aux propos des cliniques, la direction générale de cette société explique: «Le prix est fixé sur la base du coût de l’importation qui englobe la matière première achetée par notre fournisseur contrairement au CNTS qui dispose gratuitement, grâce aux dons de sang, du plasma sanguin. De plus, nous avons soumis notre demande de prix au ministère de la santé qui l’a autorisé».
Ce que nie le ministère de la santé : «Saham Pharma dispose d’une AMM, en revanche il n’a pas encore obtenu le prix de vente. Donc, il est uniquement habilité à importer mais ne peut, pour l’instant, vendre le produit». Si c’est le cas, les assurés ne pourront pas être remboursés, étant entendu que la vignette apposée sur le flacon est exigée.
Ayant obtenu son AMM en décembre 2013, Saham Pharma a importé, depuis janvier 2014, quelque 400 flacons de solution d’albumine. «C’est un petit volume qui nous a permis d’alimenter le marché au moment de la rupture. D’ailleurs, nous n’entendons pas concurrencer le CNTS mais nous nous positionnons en tant qu’appoint pour répondre aux besoins du Maroc en albumine», précise la direction générale de Saham Pharma SA qui est aussi distributeur du Facteur VIII, autre dérivé sanguin également distribué par le CNTS.
L’exigence d’une commande minimale se justifie, selon Saham Pharma SA, par le coût du transport et autres charges supportées par l’entreprise et par la nécessité pour les cliniques d’avoir un stock de sécurité pour gérer les urgences, étant donné que l’albumine est un médicament vital pour certains patients. Les responsables de Saham Pharma ne manquent pas de signaler qu’actuellement certaines cliniques refusent cette condition et ne passent pas de commandes.
