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Aéronautique : La plateforme marocaine reprend son envol

Le chiffre d’affaires à l’export du secteur devrait franchir, pour la première fois, la barre des 20 milliards de dirhams en 2022, et les effectifs devraient dépasser les niveaux d’emplois pré-Covid. L’activité est boostée par la reprise soutenue du trafic aérien mondial, après la crise sanitaire, et la relance des commandes des grands donneurs d’ordre.

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Un vent d’euphorie semble souffler sur le secteur aéronautique au Maroc. Cette filière avait été, rappelons-le, l’une des plus affectées par la crise sanitaire. Elle a subi les conséquences de la fermeture des espaces aériens et de la baisse drastique du trafic, occasionnant une réduction des commandes et de l’activité industrielle. Mais aujourd’hui, la crise semble bel et bien de l’histoire ancienne, en témoignent les chiffres des exportations publiés par l’Office des changes. En effet, à fin septembre 2022, le chiffre d’affaires à l’export du secteur a déjà atteint 16,1 MMDH, en hausse de 53,3% par rapport à la même période de 2021. C’est presque autant que les exportations réalisées sur l’ensemble de 2019, année de référence pré-Covid, où les ventes avaient culminé à 17,4 MMDH.
Au rythme où vont les choses, les professionnels du secteur tablent sur un nouveau record absolu des exportations en 2022.
«La crise nous avait fait perdre près de 30% du chiffre d’affaires. Aujourd’hui, le retard a non seulement été comblé, mais le précédent record de 2019 sera largement battu. D’autant que le dernier trimestre connaît toujours une grosse activité, due aux impératifs de livraison des avionneurs», indique Karim Cheikh, président du Groupement des industries marocaines aéronautiques et spatiales (Gimas), dans une déclaration à La Vie éco.
Dans ce contexte, la barre symbolique des 20 MMDH de chiffre d’affaires à l’export devrait être dépassée pour la première fois au terme de cette année. Les professionnels s’attendent même à un montant des exportations proche des 22 MMDH.
En réalité, au sein du Gimas, même au plus fort de la pandémie, on n’a jamais douté de la capacité de la plateforme marocaine à renouer au plus vite avec la croissance, grâce notamment à sa diversification.
«Nous sommes restés sereins et confiants en notre capacité de reprendre plus vite que les autres, car nous sommes engagés sur plusieurs programmes d’avions. Il y a certes les chefs de file comme le A320 et le Boeing 737, mais nous sommes aussi sur d’autres programmes comme le A350 ou encore le A330. C’est cette diversification de notre chaîne de valeur qui fait que la reprise a été rapide pour nous», explique notre interlocuteur, qui ne manque pas, au passage, de souligner l’accompagnement et le soutien précieux du ministère de l’Industrie.

De la visibilité pour dix ans
Si la demande adressée au Maroc est bien repartie, c’est que le trafic aérien mondial a connu un rebond notable en 2022, après une période de vaches maigres en 2020 et 2021. Selon les dernières données disponibles auprès de l’Association internationale du transport aérien (IATA), le trafic aérien mondial a atteint, en août 2022, 73,7% du niveau prépandémique de 2019, en hausse de 67,7% par rapport à la même période de l’année dernière. Et les perspectives pour les mois et les années à venir sont prometteuses, poussant les grandes compagnies aériennes à relancer les commandes d’avions, malgré la persistance de certaines incertitudes liées aux restrictions anti-Covid en Chine et à la guerre en Ukraine.
Le PDG d’Airbus Guillaume Faury a dans ce sens récemment expliqué dans les médias français qu’il dispose de plus de 7 000 avions en carnet de commandes dont 700 seront livrés cette année. «Nous avons plus de 10 ans de carnet de commandes et une énorme visibilité», a-t-il souligné.
Des perspectives qui donnent des ailes aux industriels basés au Maroc. Aujourd’hui, les lignes de production tournent, presque, à plein régime et les recrutements sont repartis à la hausse. Les pertes d’emplois constatées durant la crise, estimées à près de 10% des effectifs du secteur, ont été récupérées. «Nous sommes même en passe de dépasser les niveaux d’emplois pré-Covid de la filière (Ndlr, environ 20 000 emplois directs)», se félicite Karim Cheikh. D’ailleurs, ajoute-t-il, l’Institut des métiers de l’aéronautique (IMA) ne désemplit pas. «Nous allons dépasser les 2000 stagiaires en 2022, contre environ 1 700 stagiaires formés précédemment, dans les meilleures années», fait-il savoir. En outre, la croissance organique est également au rendez-vous, «puisque plusieurs sites industriels ont doublé, voire triplé, leur capacité de production», souligne notre interlocuteur. C’est le cas par exemple de Safran Nacelles Morocco, l’un des plus grands sites de production aéronautique au Maroc, qui a inauguré, en juin dernier, une extension de 6 000 m2 de son usine de Nouaceur réservée à la production de nacelles pour les Airbus A320neo et les avions d’affaires haut de gamme Gulfstream G700/G800. Le site a également doublé la superficie d’une salle dédiée à la fabrication de pièces en matériaux composites, passant de 1 800 m2 à 3 600 m2.
Le leader mondial de la fabrication des aérostructures pour l’aviation civile et militaire, Spirit AeroSystems, a lui aussi lancé, cet été, la production des composants du fuselage de l’avion Airbus A220 sur son site de 25 000m², agrandi à Midparc, la plateforme industrielle intégrée de Nouaceur.

Objectif 50% de taux d’intégration
Mercredi 23 novembre, c’est Sabca qui a inauguré à Casablanca son usine d’assemblage du fuselage l’aéronef PC-12 du groupe suisse Pilatus. Au final, les 6 écosystèmes aéronautiques au Maroc profitent de cette embellie, en particulier les deux locomotives du secteur, à savoir l’écosystème «assemblage» et celui de «système électrique-câblage et harnais» (appelé Ewis).
«Nous devons travailler davantage sur les deux autres écosystèmes, à savoir celui lié aux activités de maintenance (MRO), et celui lié à l’ingénierie. Nous visons encore plus haut en termes de montée en gamme, à travers l’ingénierie, la maintenance et la révision des avions et des moteurs, ou encore à travers des projets de démantèlement d’avions. C’est un business énorme. Les besoins sont importants, que ce soit en termes de renouvellement de flotte ou de décarbonation. Nous nous devons de nous positionner sur ces technologies très avancées», affirme-t-il.
Cette montée en gamme doit permettre de propulser encore un peu plus haut le taux d’intégration local de la filière au Maroc. Ce dernier tourne actuellement autour de 40%, contre moins de 17% en 2014.
Les professionnels s’attendent à une hausse «significative» de cet indicateur en 2022, année pleine en termes d’activité. Car comme le souligne Karim Cheikh, quand le business augmente, le taux d’intégration local augmente lui aussi, mécaniquement. A ce rythme, le taux cible de 50% de taux d’intégration d’ici 2025, défini par le président du Gimas, semble dans les temps.

 

Aéromart Toulouse, le Maroc présent en force

La plateforme aéronautique nationale sera bien représentée à Toulouse à la 14e édition de la Convention d’affaires internationale des industries aéronautique et spatiale (Aéromart Toulouse). Cet évènement de dimension mondiale qui se tiendra du 29 novembre au 1er décembre 2022, fait son retour cette année en format présentiel, et réunira près de 1 200 entreprises et 3 000 participants issus de plus de 45 pays.
Au menu: tables-rondes et des conférences avec les poids lourds mondiaux du secteur sur les nouveaux défis de cette industrie, et plus de 16 000 rendez-vous B2B préprogrammés, mettant en relation les fabricants et équipementiers avec les fournisseurs. L’occasion pour la délégation marocaine de faire de bonnes affaires, et de promouvoir la destination Maroc en tant que plateforme incontournable pour les investisseurs.
Hamid Benbrahim El Andaloussi, président d’honneur du Gimas et président de l’IMA, ainsi que Karim Cheikh, doivent également participer à une conférence intitulée «L’Afrique, nouvel eldorado pour une aviation durable». Une conférence dédiée à la présentation de l’offre Maroc est également au programme.