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Accords internationaux : le Maroc vise la sécurisation des investissements et la coopération judiciaire

La majorité des accords concernent l’Afrique, mais le rapprochement avec des pays asiatiques et de l’Europe de l’Est est visible. La plupart des conventions bilatérales sont motivées par des considérations politiques et géostratégiques. Les normes européennes sur les données personnelles vont s’imposer au Maroc.

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mezouar ministre 2014 05 06

Plus d’une dizaine de conventions bilatérales et internationales ont été signées par le Maroc en 2013 et au premier trimestre 2014, dont la majorité sont approuvées illico presto en conseil de gouvernement. Dans plusieurs cas, il s’agit d’accords aux relents «politiques», comme le précise Mohamed Koudane, professeur de droit, spécialiste en commerce international.

Par exemple, l’approbation de conventions bilatérales de non-double imposition avec des pays comme la Serbie ou le Vietnam, bien qu’elle n’ait pas un enjeu économique certain, est souvent le reflet d’un rapprochement politique et géostratégique du Maroc avec ces pays.

Avec deux tournées royales en l’espace d’une année, il ne fait nul doute que les objectifs vont dans le sens du renforcement des relations avec l’Afrique subsaharienne. «Même si le Maroc n’est pas membre de l’Union africaine, il reste économiquement et culturellement très proche des Etats qui la constituent.

Avec une présence plus importante des ressortissants (et des investissements) marocains dans ces pays, et inversement, il est nécessaire d’harmoniser les législations nationales», indique le doyen Mohamed Bennani, professeur en droit international.

L’approbation de plusieurs conventions s’en est donc suivie, avec comme thématique principale la protection des investissements avec les pays de la Communauté économique d’Afrique de l’Ouest en octobre 2013. Donnée simple : les échanges commerciaux entre le Maroc et cette région ont atteint 11,7 milliards de DH en 2010 contre 3,6 milliards en 2000, soit trois fois plus en une décennie.

«En assurant aux investisseurs un environnement juridique stable et favorable, assorti de la possibilité de recourir à des mécanismes d’arbitrage investisseur-Etat, ces accords permettent de réduire les facteurs d’incertitudes politiques et juridiques qui viennent souvent compliquer les projets des opérateurs désireux de s’implanter sur des marchés étrangers», explique le professeur Mohamed Koudane.  

Les droits des travailleurs migrants sont renforcés

En plus du flux d’investissement, le flux humain a également poussé le législateur à adhérer aux normes OIT (Organisation internationale du travail) des travailleurs migrants en septembre 2013.

Un amendement du code du travail est donc envisagé, comme l’explique Hamidou Ba, coordonnateur du projet au Bureau international du travail : «Les instruments de cette convention constituent une innovation dans la mesure où ils contiennent des dispositions qui sont rédigées en termes souples et qui mentionnent uniquement les droits fondamentaux des travailleurs migrants en situation régulière.

Par ailleurs, les annexes de la Convention n°97, qui peuvent être exclues de la ratification, fournissent des détails sur les moyens de parvenir à ces fins. Ces trois annexes portent respectivement sur les migrants recrutés individuellement, sur les migrants recrutés en vertu d’arrangements relatifs à des migrations collectives et sur l’importation des effets personnels, des outils et de l’équipement des travailleurs migrants.

Cette forme expérimentale a été conçue pour inciter le plus d’Etats possible à envisager la ratification et pour éviter de placer les gouvernements devant des obligations rigides qui pourraient ne pas tenir compte de la situation particulière de chaque pays».

La question de flux humains et de capitaux avec l’Afrique n’est pas la seule thématique. Si d’un côté les accords de coopération judiciaire entre la France et le Maroc sont suspendus, le conseil de gouvernement avait adopté, en juin 2013, la convention d’extradition signée avec la

Grande-Bretagne. Celle-ci rentre dans un cadre plus large puisque, deux mois auparavant, deux autres conventions de ce type avaient été signées à Londres: un accord sur «l’assistance mutuelle en matière pénale» et un mémorandum d’entente sur l’entraide judiciaire. Le premier texte approuvé par l’Exécutif est un accord type d’extradition.

La convention impose aux deux pays de «se livrer mutuellement les auteurs d’infractions, afin de les juger ou d’exécuter leurs peines». Même s’il n’est pas nécessaire, l’extradition dépend souvent d’un accord préalable entre deux Etats.

Ce fut notamment le cas de Fouad Charouali, un des auteurs des attentats de Casablanca de 2003, extradé du Royaume-Uni vers le Maroc en 2012 en l’absence d’accord bilatéral entre les deux pays. Différentes conditions sont cependant nécessaires dont notamment l’existence de l’incrimination dans l’Etat au sein duquel se trouve la personne concernée par la procédure.

Sécurisation du marché de l’offshoring

En adoptant, respectivement en juin 2013 et janvier 2014, les textes européens en matière de données personnelles (Convention 108 et protocole additionnel), le Maroc se plie définitivement aux normes communautaires en matière de données personnelles. L’enjeu financier est énorme : selon Boston Consulting Group, les données personnelles des européens représentaient en 2013 un marché de plus de 315 milliards de dollars.

La volonté du législateur marocain étant de sécuriser le marché de l’offshoring. Les textes européens imposent également que l’autorité de contrôle, à savoir la Commission nationale des données personnelles, soit dotée d’un pouvoir d’investigation et d’ester en justice… Ce qui implique une modification de la loi sur les données personnelles.