Affaires
1 700 milliards de centimes, l’ardoise laissée aux banques en un an et demi !
• Les ménages ont vu leurs créances en souffrance augmenter de 9,4%, un record au cours des dernières années !
• Malgré cette montée en flèche des créances en souffrance, la banque centrale estime que les banques marocaines ne peuvent pas refuser des dossiers qui puissent être valablement financés par le secteur bancaire.
• Néanmoins, l’institut d’émission dit garder un œil vigilant sur ces crédits difficiles !

Si les ratios de liquidité et de solvabilité des banques restent globalement satisfaisants, la sinistralité semble emprunter un trend inquiétant ! D’après le wali de Bank Al-Maghrib, la banque centrale garde un œil vigilant sur les créances en souffrance qui sont de plus en plus scrutées par les agences de notations internationales. En un an et demi de crise sanitaire et de ses retombées sur le tissu productif, les ménages et entreprises n’ont pas pu rembourser l’équivalent de 17 milliards de DH.
Les créances en souffrance s’élèvent à 84 milliards de dirhams, en légère hausse (+0,7%) par rapport au mois précédent. Sur un an, elles ont augmenté de 8,6%, ou 6,68 milliards de dirhams en valeur. Celles des ménages s’élèvent à 35,9 milliards de dirhams à fin août 2021, en hausse de 0,9% par rapport à fin juillet. Sur une année, elles affichent une progression de 9,4%. Les impayés des sociétés non financières privées s’élèvent à 47,3 milliards de dirhams, en très légère hausse de 0,3% par rapport au mois d’avant. Par rapport à fin juillet 2020, elles affichent une croissance de 8,4%.
Selon la banque centrale, cette hausse observée se poursuit depuis deux ans. «Le ratio a augmenté de 8,4% en juin à 8,7% en juillet et août 2021. Cette hausse a concerné autant les entreprises que les ménages, soit une augmentation de l’ordre de 17 milliards de dirhams par rapport à 2019», précise le wali de BAM. En face, ce qui rassure est le fait que les banques provisionnent correctement ces crédits difficiles.
Du côté de la banque centrale, le ton est plutôt rassurant concernant l’état de santé des banques cette année malgré les répercussions de la crise. Le wali rappelle les effets de la politique monétaire sur les banques commerciales: «Nous avons desserré les taux pour relancer et accompagner sur le plan monétaire, la reprise économique. Nous maintenons cette politique très accommodante. Au niveau des demandes de refinancement, BAM a satisfait toutes les demandes de financement reçues». Le wali revient également sur l’allègement des normes touchant à la solvabilité et la liquidité des banques. «Nous avons également diminué les coussins prudentiels et nous avons prorogé ces flexibilités sur le plan prudentiel. Il y a eu différents stress-test menés en juin, novembre, et nous continuons de le faire. Les ratios de solvabilité que nous observons jusqu’à présent nous rassurent. Nous sommes dans un ratio global autour de 15% et un ratio de fonds propres de première catégorie qui est à un peu plus de 11%», explique M.Jouahri.
Force est de constater que malgré la hausse de la sinistralité des crédits distribués, BAM affirme que la politique de distribution des crédits des banques ne devrait pas s’en ressentir, du moins sur le court terme ! S’il y a encore beaucoup d’incertitudes pour connaître l’évolution claire des créances en souffrance d’ici la fin de l’année, le wali considère que la hausse des créances en souffrance n’entravera pas les politiques d’octroi des crédits des banques. «La situation que nous avons traversée a été difficile. Les impayés ont naturellement augmenté, mais il faut espérer que nous dépasserons cette situation difficile et vous verrez qu’ils se résorberont. Les agences de notation mettent l’accent sur cette évolution des créances en souffrance, mais je ne vois pas les banques marocaines, même aux taux qui ont évolué, refuser des financements qui puissent être valablement financés par le secteur bancaire. Tout le travail pour nous est de faire cet accompagnement et s’assurer que les projets soient viables. En tant que régulateur, nous mettrons tous les efforts nécessaires en place pour que la dynamique puisse continuer», conclut le wali.
Des créances en souffrance bien provisionnées !
Dans une récente note, l’Agence américaine Fitch Ratings a passé en revue l’évolution du système bancaire marocain. Elle a pointé l’anticipation d’une modeste dégradation de la qualité des actifs en 2021 avec la fin des mesures de soutien. L’agence a également souligné le fait qu’en 2020, le ratio des prêts de phase 3, c’est-à-dire les créances en souffrance, consolidés du secteur augmentant de 100 pb à 9,5%. Elle précise également que ce chiffre s’accélérera probablement cette année, étant donné que le soutien de l’Etat diminue de façon progressive et que les banques sont exposées à des secteurs fortement touchés par la crise (tourisme, industrie, commerce de détails, etc.). Pour le wali de BAM, «les agences de notations ne voient pas leur évolution d’un très bon œil. Elles tempèrent car elles disent qu’elles sont bien provisionnées». «Sur les moratoires par exemple, ils ont touché 527 000 demandes et ont porté sur 124 milliards de dirhams. Entre 70% et 73% se sont régularisés, mais 9% ont été déclassés. Les autres sont impayés et d’autres font l’objet d’autres moratoires, c’est-à-dire des nouveaux rééchelonnements, etc. Nous poussons les banques à la plus grande souplesse nécessaire», explique le Wali lors du dernier conseil de la banque centrale.
