SUIVEZ-NOUS

Affaires

Libre-échange avec la Turquie et les USA : les opportunités à  saisir

Dès le départ, la quasi-totalité des exportations marocaines seront exonérées de droits de douane à leur entrée aux Etats Unis.
Avec la Turquie, un accord asymétrique, plus favorable au Maroc.
Les produits concernés à l’importation et à l’exportation.

Publié le


Mis à jour le

Au Maroc, l’année 2005 est sans doute l’année où le commerce extérieur a été sous haute surveillance. Importations massives en provenance de Chine, d’Espagne, des Emirats Arabes Unis, avec leur lot de problèmes, de divergences, d’interprétations et de protestations pour sous-facturation. 2005 a aussi enregistré un niveau de déficit de la balance commerciale très élevé. Le qui-vive devra apparemment être maintenu en 2006 compte tenu de l’entrée en vigueur le 1er janvier de deux accords de libre-échange (ALE), avec les Etats-Unis et la Turquie. Concrètement, qu’est-ce que ces accords impliquent, à court terme ? Explications.
Concernant le premier ALE avec les Etats-Unis, le Maroc a obtenu une exonération sur 98,8 % produits existant dans les positions tarifaires américaines dès l’entrée en vigueur de l’accord. Cela veut dire que 99,7 % des produits actuellement exportés par le Maroc bénéficieront d’un taux zéro. Pour le reste des produits, le démantèlement sera étalé sur 9 et 10 ans.
Parmi les filières qui bénéficieront de l’exonération douanière dès ce 1er janvier figurent notamment les chaussures, les produits de la pêche, les ouvrages en verre et en céramique, les articles en cuir, la bijouterie fantaisie et les appareils d’éclairage. Il est à noter que ces produits étaient jusque-là fortement taxés (jusqu’à 40 % pour certains d’entre eux).
Il faut dire que les opérateurs ont aujourd’hui tourné la page des doléances. Mis devant le fait accompli, ils ont été contraints de passer à l’action. Plusieurs sont donc allés dénicher des opportunités d’affaires de l’autre côté de l’Atlantique.

Des missions économiques ont déjà été organisées aux Etats-Unis
Des missions économiques ont été organisées dans ce sens et ont concerné, entre autres, les secteurs des équipements automobiles, le textile, l’électrique et électronique, l’agroalimentaire et le cuir.
L’AMITH a ainsi été présente à deux reprises au Magic Show, salon qui se tient à Las Vegas. La même ville a connu le déplacement des professionnels de l’automobile pour prendre part à l’AAPEX, salon des équipements automobiles. Le Centre marocain de promotion des exportations (CMPE ), quant à lui, avait organisé pour le secteur de l’agroalimentaire un voyage pour le Funny Food.
Pour les accompagner, collectivement ou individuellement, dans leurs efforts de prospection, de mise à niveau juridique et d’adaptation de packagings, le ministère de l’Industrie a entamé, avec l’appui de l’USAID, la mise en place d’un fonds doté de 15 millions de dollars (135 MDH) pour prendre en charge, en partie, ces frais. Appelé New Business Opportunities, son entrée en vigueur devra intervenir dans les premières semaines de 2006.
Pris dans sa globalité, l’accord n’est pas dénué d’intérêt pour plusieurs créneaux. Ainsi, pour certains articles de cuir, notamment le haut de gamme, le Maroc présente un avantage compétitif certain par rapport aux pays de l’UE, avec un coût jusqu’à 30 % moins élevé, souligne Jamal Eddine El Jamali, directeur de la Production industrielle au ministère du Commerce et de l’Industrie.

Enjeu majeur : faire de l’accord une plateforme entre l’Europe et l’Amérique
S’agissant de l’agroalimentaire, des opportunités se présentent dans plusieurs créneaux telles les huiles d’olive et d’argan, en plus des produits ethniques, le couscous notamment. D’ailleurs, l’entreprise Dari Couspates est en prospection sur place et serait sur le point de conclure de nouveaux marchés. S’agissant du textile, l’exonération profite aux principaux produits fabriqués dans le pays. Trois listes de produits sont élaborées (voir page 13). Pour l’automobile, ajoute
M. El Jamali, le marché présente un attrait, notamment pour les accessoires comme les composants en plastique, coiffes de sièges et boîtes de vitesses et les grilles tissées, les vitres et radiateurs quoique, auprès de l’AMICA (Association marocaine des industries de construction automobile), on précise que le marché américain demeure dominé par les fournisseurs chinois, européens et turcs. Autre handicap, la gamme européenne est fortement différente de l’américaine. Cela dit, la présence d’un parc automobile constitué à hauteur de 10 % de voitures européennes offre des possibilités de positionnement, en plus du marché des poids lourds et des engins de travaux publics et agricoles.

700 000 tonnes de blé pourront être importées
Inversement, les industries américaines exportatrices ne devraient pas présenter, en principe, de risques stratégiques pour le tissu local. La liste ouverte immédiatement après l’entrée en vigueur (32,6% des positions tarifaires marocaines) ne concerne essentiellement que les produits de technologie de pointe (avions, biens d’équipement, ordinateurs, chambres froides…) en plus d’autres produits comme les huiles brutes de soja et d’arachide, certains vaccins et des conserves de poisson et de crustacés.
L’autre volet le plus préoccupant est l’agriculture. Quoique le Maroc ait relativement bien négocié, l’accord prévoit un système de quotas, qui va aller crescendo. Ainsi, dès la première année, les Américains pourront exporter entre 240 000 et 700 000 tonnes de blé tendre, soit à peu près 10 % de la production céréalière du Maroc en une année normale (65 millions de quintaux). Cette fourchette sera augmentée progressivement sur une durée de dix ans pour atteindre
400 000 à un million de tonnes, et sera accompagnée d’un démantèlement total au terme de cette période. Dans tous les cas, affirme-t-on auprès des responsables marocains, ces quantités seront indexées sur la production nationale et, en cas de besoin, le Maroc pourra utiliser les clauses de sauvegarde. Pour la céréaliculture, donc, l’ouverture est partielle. Les importations se feront donc en fonction des besoins locaux. Mais l’accord devra, dans l’autre sens, exercer des pressions pour accélérer la transformation du monde rural.
Par contre, pour d’autres produits jugés moins stratégiques, le taux zéro s’applique dès la première année. C’est le cas des pistaches, fromages pour pizza, corn flakes et certaines préparations à base de poulet. Des produits comme les noix, le raisin, les poires, les cerises et les produits à base de dinde seront totalement démantelés quant à eux sur une durée de cinq ans.

A première vue, l’accord avec la Turquie profite au Maroc
Qu’en est-il maintenant de l’accord avec la Turquie ? A première vue, il semblerait qu’il profite davantage au Maroc. Preuve en est, le calendrier asymétrique de libéralisation.
Les produits industriels marocains entreront en effet sur le territoire turc en franchise de droits de douane dès le 1er janvier. En revanche, les droits de douane et les taxes d’effet équivalent appliqués, à l’importation au Maroc, aux produits industriels originaires de Turquie seront éliminés progressivement, selon un calendrier ne dépassant pas 9 ans au maximum. N’empêche que certains produits bénéficieront d’une exonération totale dès l’entrée en vigueur. C’est le cas par exemple des machines à coudre et métiers à tisser, de certains produits électroménagers tels que les réfrigérateurs, des fils synthétiques, des câbles électriques, des filets de pêche et du matériel agricole à l’instar des charrues et semoirs. Ceci en plus des engrais, de certains médicaments (antibiotiques), du gaz, des verres et de la réglisse. Les industriels de ce pays comptent passer à l’offensive. Dans leurs prévisions, selon l’ambassade turque à Rabat, les produits manufacturés devront constituer 35 % des exportations turques à destination du Maroc. Dans tous les cas, l’ALE présente un autre avantage. Celui du cumul diagonal, notamment au niveau de la règle d’origine, qui sera mis en application avec les pays méditerranéens qui ont déjà conclu un accord de libre-échange entre eux dans le cadre de l’EUROMED, et les pays membres de l’UE

Les principaux produits libres d’entrée au Etats-Unis

Produits de la mer Pratiquement tous les produits de la mer ont obtenu l’exonération des droits de douane à l’entrée du marché américain, à l’exception de la sardine avec arêtes et peau. «Malgré cette taxation, le marché américain présente un grand intérêt, en dépit de la concurrence farouche que livrent les Thaïlandais sur ce créneau», explique Mohamed El Jamali, président de l’UNICOP (Union nationale des industries de conserve de poisson). Dans la même filière, les préparations et conserves d’anchois seront exportées en franchise de droits, ce qui permettra aux opérateurs de renforcer leur position de premier fournisseur des Américains en anchois.

Chaussures et ouvrages en cuir L’enjeu est de faire jouer la préférence marocaine pour inciter des investisseurs européens à s’installer au Maroc. Les opérateurs sont appelés à se positionner sur le haut de gamme. «Il est difficile de faire face à la concurrence chinoise sur le bas de gamme », explique M. El Jamali. En plus des chaussures, des opportunités existent pour les malles et valises, sacs à main et les articles de poche.

Produits en céramique Il s’agit notamment des tuiles en céramique, de la vaisselle et des articles de ménage en plus des articles d’ornement. Le secteur qui a souffert des importations massives à partir d’Espagne au point de déclencher la mise en œuvre de la clause de sauvegarde saura-t-il être compétitif ?

Bijouterie de fantaisie Des exportations de ces produits sont régulièrement réalisées sur le marché américain en dépit d’une imposition de 11 %. Avec l’exonération obtenue, le secteur pourra diversifier son offre, notamment s’il arrive à valoriser le patrimoine marocain.

Bois et articles en bois Jusque-là assujettis à 11 % de droits de douane, ces articles disposent de réelles opportunités de croissance notamment pour les caisses et emballages et le contreplaqué

L’exception du sucre pour les USA
Concernant les produits intégrant le sucre dans leur processus de fabrication, l’accord conclu avec les Etats-Unis fait référence à la notion d’exportations nettes. Exemple, pour que le Maroc puisse exporter des biscuits en franchise de droits de douane, il faut que le solde export-import pour le sucre, par exemple, soit positif. Ce qui n’est pas le cas pour la branche confiserie, chocolaterie, biscuiterie, explique Hakim Merrakchi, président de l’association du secteur. Toutefois, les droits de douane américains demeurent faibles pour cette catégorie de produits. À peine atteignent-ils 4% . En face, le régime commun marocain fixe les droits à 50 %.