Affaires
Femmes et chefs d’entreprises : qui sont-elles ?
Une population de 579 femmes chefs d’entreprises a été recensée par LMS marketing n 34 % d’entre elles sont à l’origine de la création de leur entreprise et une sur deux détient au moins 40 % du capital n Une bonne part de ces femmes patrons ont entre 35 et 44 ans.
C’est un fait. De plus en plus de femmes se lancent dans la création d’entreprises. Mais, jusqu’à présent, il n’existait pas de statistiques permettant de cerner l’entreprenariat au féminin et de nature à faciliter la mise en place d’un dispositif adéquat pour encourager les initiatives et consolider l’existant.
C’est ce gap qu’a voulu combler l’Association des femmes chefs d’entreprises (AFEM), en confiant une enquête au cabinet LMS. Les objectifs consistaient notamment à identifier et recenser l’ensemble des femmes chefs d’entreprises dans les 16 régions du Maroc ; à cerner le profil des femmes chefs d’entreprises ; à identifier et évaluer les difficultés vécues dans la création ou la gestion de leur entreprise ; à apprécier les attentes et les besoins au niveau économique, législatif, juridique et social et rechercher les moyens d’incitation à la création.
Au total, les enquêteurs ont répertorié 579 femmes chefs d’entreprises. 34 % de cette population sont à l’origine de la création de leur affaire et une femme sur deux contrôle au moins 40 % du capital. Preuve de leur implication : 66 % dirigent les entreprises qu’elles ont créées et 73 % sont à la tête des entités dans lesquelles elles ont des participations. En revanche, 25 % des patrons-femmes ne sont pas associées au capital. C’est dire que leur qualité de manager commence à être reconnue.
40 % des dirigeantes travaillent avec leur mari
Donnée importante : les femmes chefs d’entreprises qui ont reçu la visite de LMS ont pour l’essentiel un niveau d’instruction élevé (au moins bac + 4). En effet,
60 % ont une formation universitaire, 28 % sont diplômées d’une école de commerce, et 5 % ont une formation d’ingénieur.
Il ressort de l’enquête que la majorité des femmes ont déjà été salariées avant de se lancer dans la création d’entreprise. Seulement 15 % d’entre elles (une femme sur sept) ont pris le risque de se mettre à leur compte dès la fin de leurs études. Elles sont, en revanche, 51% à avoir exercé en tant que cadre ou à avoir assumé une fonction de direction dans le privé ;
8 % proviennent du public et 3 % des professions libérales.
L’expérience est donc un critère essentiel dans l’engagement, mais la moyenne d’âge montre qu’elles n’ont pas attendu d’être proches de la retraite pour se lancer. 90% des femmes dirigeantes ou créatrices d’entreprise sont âgées de 25 à 55 ans avec une forte proportion pour les 35-44 ans.
Ces femmes n’ont pas pour seul souci leur entreprise. Elles sont 70 % à être mariées, dont une grande majorité avec des enfants à charge. Pour certaines d’entre elles, la vie de couple est même prolongée dans l’entreprise : 40 % des femmes chefs d’entreprises sont mariées à des hommes occupant des fonctions de direction dans l’entreprise. Ce qui prouve le caractère familial et/ou l’envergure modeste de plusieurs entités. En effet, la plupart des entreprises créées sont principalement des petites structures (SARL) qui ont une existence d’au moins 5 ans et 70 des entreprises visitées réalisent un chiffre d’affaires annuel de moins de 20 MDH.
Pour la plupart, le salaire mensuel est inférieur
à 20 000 DH
On le savait et l’étude de LMS le prouve : les services sont le domaine de prédilection des femmes entrepreneurs. Dans ce secteur, le conseil en communication et le commerce restent leurs domaines de prédilection. Seulement 20% des sociétés opèrent dans l’industrie, «principalement dans le textile», souligne Younès Marhraoui, directeur Etudes, industrie, média à LMS.
La taille des entreprises et le choix des secteurs expliquent, peut-être, la faiblesse du revenu des créatrices et dirigeantes d’entreprises. Le niveau de revenu mensuel déclaré est inférieur à
20 000 DH et la majorité de celles qui ont répondu à la question sur le salaire indiquent percevoir moins de 10 000 DH. Explication : la plupart des entreprises sont de création récente et les dirigeantes disent privilégier leur entreprise à elles-mêmes. Toujours est-il que l’argent est un sujet tabou : plus du quart des enquêtées ont passé sous silence leur salaire. Ce qui, évidemment, atténue la crédibilité des chiffres.
Pour ce qui concerne les difficultés rencontrées, la femme dirigeante vit les mêmes problèmes que l’homme. Financement, problèmes administratifs, foncier, ressources humaines qualifiées… Elles n’ont aucun privilège, mais ne sont pas non plus brimées. «Les contraintes sociales sont dépassées et elles assument totalement leur statut d’entrepreneur», constate Younes Marhraoui. Mieux, la plupart des dirigeantes bénéficient du soutien de leur mari
Les femmes chefs d’entreprises ont pour l’essentiel un niveau d’instruction élevé (au moins bac + 4). 60 % ont une formation universitaire, 28 % sont diplômées d’une école de commerce, et 5 % ont une formation d’ingénieur. La majorité ont été salariées avant de se lancer à leur propre compte.
temoignages
n Jamila Cherif
Berrada
DG Autograph (communication)
«La gestion de la vie privée n’est pas facile»
«Je vis très bien ma situation de femme chef d’entreprise. Sur le plan professionnel, je ne ressens pas de différence particulière par rapport à un homme. En interne, j’ai un personnel composé en majorité de femmes, mais les relations sont au beau fixe. Avec l’extérieur, je ne suis pas non plus victime d’un ostracisme de la part des hommes. On traite d’égal à égal. Mais il faut comprendre que tout est question de personnalité. Quand on se fait respecter, il ne peut pas y avoir de dérapage. Le seul problème est que des collaboratrices me rapportent parfois des problèmes qu’elles ont vécus. Mais, là aussi, il faut savoir gérer.
En revanche, la gestion de la vie personnelle n’est pas facile. Je suis mariée avec des enfants à charge. Comme je suis dans l’évènementiel, mes week-ends sont parfois pris par les différentes manifestations qu’on me confie. Il m’arrive d’avoir l’impression de délaisser mes enfants. Mais j’essaie de trouver le moyen de compenser le manque qu’ils peuvent ressentir. Par exemple je fais en sorte que mes manifestations ne correspondent pas avec les vacances scolaires pour que je puisse me consacrer entièrement à eux. Je discute également beaucoup avec eux, lorsque l’occasion s’en présente. Quant à mon mari, il soutient entièrement mes initiatives.»
Souad Sbata El Kohen
directrice associée du cabinet Artemis Conseil
«Pas de misogynie dans notre milieu»
«Etre chef d’entreprise est un choix de vie à assumer. Il faut être présent à tout moment et être prêt à affronter tous les problèmes inhérents à la vie d’une entreprise. Je pense qu’à ce stade, il n’y a pas de statut particulier, que vous soyez homme ou femme. Pour ma part, je n’ai pas de problème sur ce plan.
En interne, j’insiste énormément sur le management participatif et le travail d’équipe. C’est presque un environnement familial. Ceci dit, il faut savoir rester ferme quand il le faut.
En externe, le problème ne se pose pas non plus puisque je n’ai pas affaire à un milieu misogyne.
Il faut souligner aussi que la femme mène généralement une double vie. Pour assumer son rôle de mère de famille, elle doit avoir de bonnes capacités d’organisation. Pour ma part, j’ai fait un pacte avec mes enfants : je suis toujours présente quand il le faut.»
