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Affaires

Rapprochement BCM – Wafa : après la surprise, les questions sérieuses

Les prochaines étapes, le sort des dirigeants, l’audit, l’offre publique d’achat…

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L’effet de surprise passé, les questions sérieuses fusent sur le futur ensemble bancaire qui naîtra du rapprochement entre la BCM et Wafabank. L’onde de choc continue de se propager, particulièrement au sein des deux banques concernées. L’on s’interroge sur les prochaines étapes, sur le sort de Abdelhak Bennani, le DG de Wafabank et sur la réaction de l’actionnariat étranger à la lumière du pacte signé entre les actionnaires de Wafa. On continue aussi de se questionner sur le prix payé, sur les méthodes d’évaluation retenues et sur la décision de la famille Kettani, qui se désengage complètement de l’affaire.

Des spéculations à Wafa
Le premier point, à savoir les étapes à suivre, est désormais connu depuis l’annonce lundi 2 décembre, par le top management de la BCM, du calendrier du rapprochement.
Dans les jours qui viennent, on attend l’avis du Comité des établissements de crédit, puis l’autorisation du ministre des Finances qui ne devrait en principe pas poser de problème. Et pour cause, l’annonce a été favorablement accueillie (voire bénie) par les observateurs et va dans le sens de la restructuration souhaitée par les autorités monétaires, devant déboucher sur l’émergence d’un grand groupe maroco-marocain de la banque et de la finance. Le nouveau conseil de Wafabank devra se réunir avant la fin du mois en cours et un organigramme cible sera établi dès janvier 2004. Les travaux de rapprochement démarreront aussitôt.
Après l’arrêté des comptes, qui se fera en février par le nouveau conseil (contrôlé par la BCM), le lancement d’une OPA sur le reste du capital de Wafabank est prévu pour mars 2004. Si tout se passe comme prévu, la fusion aura lieu en octobre 2004, ce qui paraît être un délai trop court et difficile à tenir. La BCM devra pour ce faire convaincre les autres actionnaires de Wafabank d’apporter leurs titres à l’OPA pour lui permettre d’atteindre le seuil des 2/3 du capital nécessaires pour procéder à une fusion. L’élément déterminant sera le prix que la BCM est prête à offrir. On annonce une prime de 15 % par rapport à la moyenne du cours de Bourse de Wafabank sur une période significative avant l’acquisition du 24 novembre, c’est-à-dire un prix estimé à 750 DH. Et encore, il y a risque de rappel, puisque ce prix n’est pas définitif, une garantie de passif ayant été donnée par la famille Kettani.
Quoi qu’il en soit, si, du côté de la BCM, on trouve que c’est un prix intéressant puisque la valeur n’arrive pas à décoller depuis plus d’un an et avoisine les 650 DH, du côté du marché on parle d’un niveau artificiellement maintenu. Comment et pourquoi ? Wafabank, qui était en négociation avec le Crédit Agricole, n’excluait pas une option de sortie par décroisement. Autrement dit, une option selon laquelle le Crédit agricole reprendrait les actions du Crédit du Maroc détenues par le groupe Wafa en échange des actions Wafabank qu’il détient. Un cours boursier bas servirait bien évidemment les intérêts de la banque gérée par M. Bennani.
Ce dernier, qui n’a été informé que quelques minutes après la signature de l’accord BCM-Wafa, n’a jusqu’ici fait aucun commentaire. Saâd Kettani, porte-parole improvisé de la famille, rappelle cette évidence : dès qu’il s’agit du capital, la décision revient à l’actionnaire et à lui seul et il n’est pas obligé de mettre le manager dans la confidence.
Aux yeux des observateurs, les éloges appuyés qu’il a faits du président Bennani, lundi dernier à l’occasion de la conférence de presse conjointe avec la BCM, n’ont pas réussi à dissiper l’impression de mésentente. Cela se sent à Wafa. «ça lui a fait très mal», nous confie l’un de ses proches. «Il devra partir d’une manière ou d’une autre. Mais un homme de sa trempe doit certainement être utile au pays et peut-être qu’il devra se rendre utile dans le privé ou dans le public», ajoute-t-on. Du côté de la présidence, c’est le silence radio. Abdelhak Bennani serait en déplacement à l’étranger et ne devrait rentrer que jeudi 4 décembre dans la soirée. Mais les spéculations vont bon train. Omar Bounjou est présenté, selon certains, comme le DG potentiel du nouvel ensemble.
Cela étant, qu’en est-il du pacte d’actionnaires au sein de Wafa ? Pour Saâd Kettani, le pacte d’actionnaires qui liait Wafa Assurance, Wafa Corp, Crédit Agricole, BBVA et Sogefi, le holding de la famille Lazraq, n’a pas été violé. Et pour cause, la transaction s’est faite trois étages au dessus : «Le tour de table de Wafabank reste toujours le même, mais c’est le contrôle d’OGM qui a changé de mains». Les étrangers ne s’étaient pas prémunis, la BCM en a été informée et elle est prête à assumer la rupture du pacte.
Au-delà de ces considérations, le Maroc gagne un groupe solide financièrement qui ne peut que tirer vers le haut une économie avide de financement. Mais il gagne surtout un groupe marocain. En effet, et de manière systématique, les projets d’investissement financés par plusieurs banques de la place contrôlées par les banques françaises doivent se soumettre à une double appréciation du risque. En premier lieu, le risque économique, évalué classiquement pour tout projet d’investissement et, en second lieu, le risque pays qui vient ajouter une contrainte supplémentaire aux porteurs de projets. Résultat : il est arrivé que des affaires potentiellement viables se voient refuser le financement.
Enfin, et en attendant le dénouement complet de l’affaire, des analystes financiers de la place de Casablanca estiment que pour ne rien enlever de l’attrait de la transaction, la BCM peut faire un effort à l’attention des petits épargnants (voir pages 36 et 37). Un cadeau à même d’épargner au marché un retour en arrière et d’éveiller des souvenirs (Financière Diwan…) qu’on croyait oubliés à jamais