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Comment investir propre et se faire subventionner…en plus
Des projets économiques respectant l’environnement peuvent être partiellement financés par les pays qui outrepassent leur quota de pollution.
Trois projets représentant un investissement de plus d’un milliard de DH ont été déjà retenus pour le Maroc.
Aujourd’hui, il est possible au Maroc d’investir «propre» et de se faire subventionner en partie par les organismes internationaux qui accompagnent la mise en place de mécanismes de développement propre. De quoi s’agit-il ?
Les pollueurs peuvent acheter les «crédits de pollution» inutilisés des autres pays
Il faut rappeler que le Protocole de Kyoto, pour limiter la tendance avérée de réchauffement du climat, a mis au point une notion appelée Mécanismes de développement propre (MDP). L’idée de base est que les pays pollueurs, qui se sont engagés à réduire leurs propres émissions de gaz à effet de serre (GES), s’ils n’arrivent pas à respecter une telle contrainte, peuvent recourir, en remplacement, à la prise en charge d’une partie des projets «propres» dans les pays qui n’ont pas encore atteint leur quota en la matière. C’est une extension du principe «pollueur payeur», qui permet aux premiers d’acheter les crédits des seconds moyennant une contribution au développement de la modernisation de leur économie, tout en contribuant à la réduction de la pollution. A défaut d’obliger les pollueurs à contenir leur pollution, les scientifiques se sont vus acculés à leur ouvrir la possibilité d’acheter «les crédits» de pollution inutilisés des autres. Mais la cause est noble : éviter l’aggravation de l’émission des GES sur la terre, sachant que leurs conséquences sont les mêmes, qu’elles viennent du Sud ou du Nord.
Le Maroc est parmi les premiers pays à profiter du MDP en mettant en place les structures d’accueil, d’analyse, d’accompagnement et de conseil pour capter les offres qui pourraient voir le jour à cet égard. Sont impliqués dans cette démarche aux services des investisseurs nationaux ou étrangers : le secrétariat d’Etat chargé de l’Environnement sous la houlette de Mohamed Al Mourabit, les représentants de différents ministères et organismes qu’accompagnent des scientifiques et des chercheurs (avec le support d’organismes internationaux comme le PNUD et le PNUE), pour le conseil et l’aide à la décision. Et comme l’idée est nouvelle, chercheurs et autorités ne se sont pas contentés de créer des structures et un site internet (voir ci-dessous) pour encadrer et verrouiller les procédures, ils sont allés vers les investisseurs potentiels pour leur montrer l’intérêt qu’ils ont à s’inscrire dans la nouvelle démarche.
Trois projets sont aujourd’hui bouclés et les investisseurs, voyant les bienfaits qu’ils peuvent en tirer sur le plan stratégique et les retombées pécuniaires qu’ils leur assurent, sont résolument engagés dans leur réalisation.
230 millions de DH de subvention pour un milliard d’investissement
Le premier projet sera initié par l’OCP et concerne l’amélioration de l’efficacité énergétique au niveau de deux lignes de production d’acide sulfurique du complexe chimique de Jorf Lasfar. Il s’agit de l’installation de process permettant l’augmentation du taux de récupération de la chaleur (50 tonnes par heure de vapeur) et conduisant au dégagement d’une capacité de génération de 16 MW. L’investissement total est de l’ordre de 200 MDH et permettra une réduction de
1 million de tonnes de rejets de CO2 sur 10 ans. Le revenu escompté au titre des accords de Kyoto est de 40 MDH. Début des travaux en octobre 2004 et démarrage de l’installation en avril 2006.
Le deuxième projet se rapporte à la construction d’un parc éolien à Essaouira, d’une puissance de 60 MW pour une production de 210 GWh. D’une part, c’est un autre jalon dans l’utilisation des énergies renouvelables dans le pays (après le parc Abdelkhalek Torrès d’Al Koudia Al Baida), et, d’autre part, le prix de revient du Kwh sera réduit. La réalisation des installations qui auront une durée de vie de 25 ans commencera en 2004. Le coût total est d’environ 90 millions de dollars (900 MDH) et une subvention, au titre de la contribution de réduction de GES, entre 80 et 130 MDH sera accordée.
Gestion des déchets de la décharge d’Akreuch près de Salé
Le dernier projet concerne la gestion des déchets de la décharge d’Akreuch, près de Salé. Récupération et brûlage en torchère du biogaz de la décharge sont les principales charges de l’adjudicataire. Le conseil de la ville de Rabat qui en est le maître d’œuvre en attend une réduction de GES, la disparition des odeurs désagréables dont souffrent les riverains et l’élimination des risques d’incendie dus au dégagement incontrôlé de méthane.
L’investissement est d’environ 10 millions de DH pour une durée de vie de 21 ans et le revenu attendu au titre de la contribution à la réduction de la pollution est de l’ordre de 40 à 50 millions de DH
