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Débiteurs défaillants, connaissez vos droits
La saisie conservatoire est ordonnée par le juge, à condition que la créance soit crédible.
Le salaire du débiteur ne peut être saisi qu’à hauteur du tiers et après son accord.
Les biens immobiliers ne peuvent être saisis qu’en cas d’insuffisance des biens meubles, à moins qu’ils ne soient hypothéqués.

Les impayés s’accumulent chez les établissements de crédit malgré le redressement progressif de la situation économique. Nombre de particuliers croulent sous les dettes et se déclarent de ce fait insolvables. Ce qui pousse banques et sociétés de financement à saisir la justice afin de les contraindre à rembourser leurs crédits. Mais bien avant, ces établissements usent de tous les moyens pour exiger le remboursement : harcèlement au téléphone, envoi d’un recouvreur au domicile du débiteur ou à son lieu de travail, relance téléphonique aux membres de la famille, ou même menaces de saisie des biens… Tout porte à croire qu’un débiteur ayant contracté un crédit immobilier ou à la consommation ne jouit d’aucun droit dès lors qu’il se trouve en difficulté de paiement. Or, le code de la procédure civile ainsi que le code du travail comprennent bien des articles qui confèrent des droits au débiteur qui, en raison d’un retournement de tendance, ne peut plus honorer ses engagements.
Il faut savoir tout d’abord que la saisie des biens mobiliers, immobiliers ou autres (assurance-vie, compte bancaire ou salaires par exemple) est la dernière procédure que peut entamer un établissement de crédit. En effet, le créancier doit adresser une notification à son client débiteur dès le premier impayé pour régulariser sa situation. Une lettre de mise en demeure est envoyée au bout du troisième impayé accumulé. Si le débiteur ne donne pas suite au bout du cinquième impayé, l’établissement de crédit place son dossier en contentieux et le transfère au tribunal à travers un avocat. Dans ce cas, le créancier ou le recouvreur exige le remboursement de la totalité de la créance, même les mensualités dues et non encore échues, les intérêts, les pénalités et les frais de retard.
Une fois le dossier remis au tribunal de première instance, l’établissement de crédit peut demander une saisie conservatoire sur les biens du débiteur. Toutefois, cette saisie n’est pas acceptée automatiquement. Le juge doit vérifier la crédibilité de la créance en s’assurant de l’absence de tout virement du montant de la traite au créancier. Pour ce faire, il convoque le débiteur pour confirmer ou infirmer les propos du créancier. En outre, le juge n’accepte la demande de saisie que si toutes les voies de recours à l’amiable sont épuisées. Il arrive dans plusieurs cas que les demandes de rééchelonnement de la dette ou de rachat du crédit ne soient pas acceptées par certains établissements de crédit, préférant recourir directement à la justice pour bénéficier d’un remboursement total et immédiat. Dans ce cas, le débiteur peut faire valoir ce droit en prouvant au juge le refus de sa demande de règlement à l’amiable.
Quoi qu’il en soit, si le juge déclare la créance crédible, il peut prononcer la saisie conservatoire sur les biens du débiteur qui devra être limitée à la somme des créances dues majorées des pénalités et frais de retard. Cette saisie a pour objet de bloquer les avoirs du client débiteur le temps que l’action au fond soit prononcée si aucune entente n’est trouvée entre les deux parties. Dans ce sens, le débiteur peut continuer à jouir de son bien et à l’utiliser comme bon lui semble, mais pas le vendre, le mettre en location ou l’offrir en donation.
En tout cas, dès que l’ordonnance de saisie est rendue par le tribunal, elle est notifiée et exécutée sans délai au sens de l’article 452 du code des procédures civiles. Il faut noter que même si l’ordonnance d’une saisie conservatoire est rendue par le tribunal, un accord à l’amiable peut toujours être trouvé entre les parties. A défaut, et si un jugement est rendu en faveur du créancier, le juge charge un agent afin de saisir effectivement les biens du poursuivi au titre d’une saisie exécutoire.
Certains biens meubles sont insaisissables
Cela dit, «il n’y a aucun ordre de priorité par lequel le créancier peut demander les saisies», signale Me Karim Adyel, avocat à la cour. Autrement dit, il peut demander au juge de saisir aussi bien les biens meubles, le salaire, le compte bancaire…
Farid Benjelloun, PDG de la société de recouvrement Fin-flouss.com, précise toutefois que «rares sont les cas où le créancier demande une saisie sur salaire ou sur compte vu la complexité et la lenteur de la démarche» ; les établissements de crédit optent surtout pour la saisie des biens meubles. Sauf que tous les biens meubles ne sont pas saisissables. Me Adyel précise que certains meubles sont insaisissables et sont limitativement énumérés dans l’article 458 du code des procédures civiles, tels que le coucher, les vêtements et ustensiles de cuisine nécessaires au saisi et à sa famille, les livres et outils nécessaires à la profession du saisi, la nourriture pour un mois du saisi et de sa famille à charge. Par ailleurs, si le débiteur dispose d’animaux servant généralement à l’aider à subvenir à ses besoins quotidiens, ils ne peuvent tous être saisis.
Par ailleurs, la saisie sur salaire ne peut être effectuée que sur la partie saisissable, c’est à dire le tiers de la rémunération, gages et appointements. De plus, certaines parties du salaire ne peuvent faire l’objet de saisie à l’instar des pensions alimentaires, des frais de bureau, d’équipement, de déplacement ou de transport, des indemnités et allocations allouées pour les charges de famille, du capital décès en faveur des ayants droit des fonctionnaires et de certains agents décédés en activité de service. Les pensions civiles de l’Etat, les pensions militaires et les pensions de retraite ou d’invalidité du secteur privé sont également interdites de saisie par la loi.
Quand la saisie sur salaire est prononcée par le juge, le créancier demande à l’employeur du débiteur de bloquer son salaire. Mais «l’employeur ne lui remet la partie saisie de cette rémunération qu’après l’accord du salarié, à travers la réception d’un acte d’acquiescement, signé et légalisé», indique M. Benjelloun. Autrement dit, le débiteur a le droit de refuser cette saisie. Il est vrai qu’un créancier peut procéder, à travers le tribunal, à la saisie de son choix selon les modalités législatives. Mais il faut savoir qu’une saisie immobilière au titre d’un crédit à la consommation par exemple ne peut en aucun cas être acceptée automatiquement. En effet, la saisie et la vente des biens immeubles ne peuvent être pratiquées qu’en cas d’insuffisance des biens meubles du redevable. Cela étant, dans le cas d’un crédit immobilier assorti d’une hypothèque, la saisie ne peut être réalisée que sur le bien hypothéqué. Si la somme récupérée après la vente aux enchères du bien en question ne suffit pas à apurer la totalité de la créance, le créancier a le droit de poursuivre le débiteur sur ses autres biens en les saisissant, tout en privilégiant les biens meubles, le salaire, le compte bancaire, avant de passer à d’autres biens immobiliers dont il pourrait disposer.
Au final, vu la lenteur et le caractère subversif de la procédure visant la saisie des biens, les professionnels contactés recommandent aussi bien aux établissements de crédit qu’aux débiteurs d’éviter au maximum le recours judiciaire et d’emprunter la voie amiable.
