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Centre de spa au Maroc : une mise conséquente pour un petit gain
Pour un centre de 200 m2, il faut investir près de 2,8 MDH hors local, alors que le bénéfice annuel ne devrait pas excéder 128 000 DH. Les ressources humaines constituent un problème de taille pour la majorité des propriétaires de centres de spa.

Les centres de bien-être ouvrent les uns après les autres au Maroc. Désignés généralement sous l’appellation «spa» (sanitas per aqua ou la santé par l’eau), ces derniers connaissent un engouement grandissant de la part des Marocains, tout âge, sexe et catégorie sociale confondus. En effet, cette clientèle commence à intégrer progressivement la culture du bien-être dans son mode de vie quotidien, grâce notamment aux prestations qu’offrent les centres de spa et comprenant les massages de relaxation (de type thaïlandais ou oriental, par exemple) ainsi que les hammams traditionnels ou sophistiqués, à base de produits spécifiques.
Cela dit, ce succès est aujourd’hui menacé car ces prestations sont de plus en plus offertes par les salons de coiffure et d’esthétique. Et pour cause, un manque d’organisation du secteur qui engendre une concurrence rude, jugée «malsaine» par certains propriétaires de centres de spa contactés. Du coup, la rentabilité de ce business est devenue limitée, sachant que l’investissement nécessaire pour se lancer dans le secteur est relativement conséquent. A titre d’exemple, un centre de spa de 200 m2 avec 6 salles de massage et 2 hammams nécessite une mise de départ de près de 2,8 MDH, sachant qu’il ne permettrait de dégager qu’un bénéfice annuel, soit un retour sur fonds propres inférieur à 5% par an et une marge nette de 7% seulement. Ce bénéfice aurait pu être beaucoup plus intéressant si le secteur était mieux organisé. C’est d’ailleurs pour cette raison que certains professionnels mènent actuellement des discussions avec les autorités compétentes en vue de cadrer le métier (voir encadré).
2 MDH pour les gros œuvres et l’aménagement
L’investissement de départ pour ouvrir un centre de spa est conséquent, car, une fois le local acquis ou loué, il faut procéder à de véritables travaux de construction et d’aménagement pour l’adapter au métier. Ces travaux peuvent nécessiter une enveloppe de 2 MDH pour un centre de 200 m2.
Ainsi, les premiers travaux portent sur les séparations, l’étanchéité, la plomberie et la tuyauterie pour un montant de 800 000 DH dans notre exemple. Il y a lieu de préciser, en ce qui concerne le choix du local, qu’aucune exigence spécifique n’existe, que ce soit en termes d’emplacement ou de type de construction. N’importe quel local peut faire l’affaire, pourvu qu’il soit bien aménagé et correctement préparé.
Ensuite, 700 000 DH sont nécessaires à la boiserie pour le revêtement du sol, des portes et des fenêtres. Parallèlement, le carrelage, le marbre et le cuivre pour couvrir essentiellement les salles de bain coûtent environ 350 000 DH. Et il ne faut pas oublier l’installation d’un système de sonorisation adapté permettant de programmer une musique différente dans chacune des salles du centre. Pour cela, il faut débourser pas moins de 50 000 DH.
Le matériel de hammam engloutit la moitié du budget équipement
Une fois cette étape achevée, il faut compter près de 800 000 DH pour acheter et installer les équipements nécessaires au spa. Les centres contactés à Rabat et à Casablanca, qui ont pour vocation essentielle le hammam et le massage et accessoirement les soins et l’esthétique, optent pour l’électricité plutôt que le gaz, qualifiant ce choix de plus efficace et moins dangereux. De ce fait, il faut acquérir un générateur d’eau chaude à 40 000 DH, un générateur de vapeur aromatisée à 50 000 DH et quatre bonbonnes d’eau chaude à 20 000 DH. Le matériel de hammam et de massage totalisent, eux, 400 000 DH au moins, soit près de 51% du coût de l’équipement. Il s’agit notamment des tables et lits pour le massage traditionnel, tatamis (lit à même le sol pour le massage thaïlandais), des couvertures chauffantes, des pierres volcaniques, des transats pour le hammam, du mobilier, à savoir les chaises, tables, placards, canapés… et les divers accessoires comprenant les draps, les oreillers… A cela, il faut ajouter des climatiseurs au prix de 40 000 DH, le matériel de musique à près de 50 000 DH, les équipements du bain (robinetterie, douchettes…) à 30 000 DH et la décoration d’intérieur à 40 000 DH.
Pour se faire connaître, certains propriétaires n’hésitent pas à allouer un gros budget à la communication, surtout au lancement de l’activité. En plus des flyers et des brochures, la publicité s’effectue également à travers des insertions dans les journaux ou même des panneaux publicitaires pour un budget qui peut se limiter à 50 000 DH. D’autres propriétaires utilisent même des voitures frappées du sigle du centre avec les contacts nécessaires pour prendre des rendez-vous.
Le loyer et la masse salariale plombent 57% du montant des charges fixes
Comme l’aménagement du local et la décoration d’intérieur s’avère être une tâche plutôt compliquée qui demande beaucoup d’attention et d’application, il est inévitable de faire appel à un architecte d’intérieur dont la prestation est payée à partir de 20 000 DH. Au total, les frais liés à l’équipement s’élèvent à près de 785 000 DH.
Une fois le centre de spa opérationnel, le propriétaire supporte des charges relatives au loyer, à la masse salariale, aux produits de hammam et de massage ainsi qu’aux frais d’entretien, de pressing…
Tout d’abord, l’acquisition d’un local, surtout au début de l’activité, s’avère être coûteuse pour nombre d’investisseurs, surtout au regard des diverses dépenses liées à l’aménagement du centre. Du coup, la majorité d’entre eux recourt à la location. Ainsi, il faut compter pas moins de 30 000 DH par mois au titre du loyer pour un local commercial de 200 m2 situé dans un quartier central. Ensuite, avec quatre masseuses, une gommeuse, une esthéticienne, une gérante et une femme de ménage, la masse salariale s’élève à environ 50 000 DH par mois, soit 600 000 DH annuellement.
En fait, trouver les ressources humaines compétentes est un vrai casse-tête pour les propriétaires. Vu le manque de spécialistes en la matière, ces derniers recourent généralement à la main-d’œuvre étrangère, thaïlandaise surtout, pour combler les lacunes des compétences nationales. Par ailleurs, la gérante d’un centre de spa à Casablanca évoque un autre phénomène : «Certaines de mes ex-employées proposaient des prestations qui dépassaient le seul cadre des massages et les clients, pour leur part, ne rechignaient pas sur les moyens». Conséquence : une réputation entamée mais aussi un taux de rotation du personnel élevé.
Pour revenir aux charges, les produits de hammam et de massage, en l’occurrence les huiles essentielles, les gants de gommage, les sandales, les savons noirs et parfumés, le ghassoul, les produits d’esthétique… coûtent environ 8 000 DH par mois dans notre exemple. Cela étant, ce montant peut atteindre le double en cas d’utilisation de produits en provenance de l’étranger. Nora Skouri, gérante et co-associée du spa Zenattitude, précise : «Il est vrai que les produits étrangers volent la vedette à leurs concurrents marocains, mais il n’en demeure pas moins que ces derniers soient de bonne qualité».
En outre, le linge de hammam, à savoir les serviettes et sorties de bains qui sont à changer tous les ans ou tous les deux ans, en fonction du rythme d’usage, coûtent la bagatelle de 15 000 DH annuellement. A cela, il faut allouer une enveloppe de 10 000 DH par mois pour les frais d’eau et d’électricité, 2 000 DH pour le pressing et 1 500 DH pour le téléphone et Internet.
Certains propriétaires de centres de spa recourent à des laboratoires spécialisés pour évaluer le niveau d’hygiène et de stérilisation du matériel, comme c’est le cas du centre de spa Zenattitude à Rabat. «Près de 1 000 DH sont versés mensuellement à un laboratoire de la place pour faire des prélèvements sur les draps et autres accessoires afin d’apprécier le degré de propreté du matériel utilisé», explique Mme Skouri.
Les prix des prestations varient de 250 à 600 DH
Enfin, il est recommandé de souscrire une assurance pour les accidents de travail et une autre pour la responsabilité civile qui nécessitent une prime annuelle de 15 000 DH. L’ensemble des charges annuelles s’élève ainsi à plus de 1,6 MDH.
Les revenus d’un spa sont générés par les prestations de hammam et les massages notamment. D’ailleurs, Mme Skouri affirme que «le gros du chiffre d’affaires est réalisé sur notre activité principale, à savoir le hammam et les massages et, dans une moindre mesure, l’esthétique (manucure, pédicure et épilation)». N’empêche que les centres de spa spécialisés ont commencé à subir, comme précisé auparavant, la concurrence des salons de coiffure et d’esthétique. Constatant l’engonement pour ce type de services, ces derniers se sont attelés à développer un segment massage, amincissant ou relaxant, selon les besoins, en plus de hammam à côté des prestations de base. En réalité, le lancement des centres de spa dans l’esthétique constitue une source de revenus supplémentaires dont ils profitent afin de compenser les baisses de prix qu’ils sont obligés de consentir afin de survivre face à la concurrence. Cette baisse des prix n’a pas été, dans bien des cas, accompagnée par une dégradation de la qualité des prestations proposées, sachant qu’au niveau des salons de coiffure et d’esthétique, le service en termes de massages et de hammam laisse souvent à désirer.
Malgré tout, les prix actuels des massages au niveau des centres de spa, au même titre que les hammams, peuvent varier dans une fourchette allant de 250 à 600 DH, voire plus, et ce, en fonction des produits utilisés et du type de massage ou de bain souhaité. Pour attirer plus de clientèle et les fidéliser, les centres de spa proposent des formules englobant hammam, massage, soins et esthétique ou encore, des abonnements à des prix abordables. Toutefois, ce type d’offres n’est pas le plus prisé par les adeptes de ces centres qui les jugent contraignantes.
A cet effet, le chiffre d’affaires d’un centre de spa comprenant 6 salles de massage et 2 hammams et qui ouvre 6 j/7, peut atteindre près de 1,8 MDH et “vendre” en moyenne quotidienne 6 massages, soit près de 3 000 DH et 4 hammams correspondant à 2 500 DH, en plus de quelques prestations d’esthétique. Il y a lieu de noter que près de 50% du chiffre d’affaires est réalisé essentiellement en hiver et au printemps où un rush est enregistré, contrairement aux périodes d’été et de Ramadan.
Ainsi, le bénéfice annuel peut totaliser 128 010 DH, déduction faite de l’impôt sur les sociétés qui est de 15% au cas où le chiffre d’affaires est inférieur à 3MDH, d’où une marge nette d’à peine 7,2%.
