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Agriculture

Compter les moutons : Des chiffres à dormir debout

Face à la polémique gonflée sur les réseaux sociaux, le ministère de l’Agriculture a fini par dévoiler le véritable montant décaissé, en 2023 et 2024, pour soutenir les importations des ovins destinés au sacrifice d’Aïd Al Adha. On est loin des montants stratosphériques balancés par des politiciens, invités aujourd’hui à refaire leurs comptes.

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Le montant des subventions à l’importation du bétail fait polémique depuis quelques jours, sur fond de surenchère sur des chiffres balancés à tout va par des hommes politiques, prêts à tout pour décrédibiliser l’action gouvernementale.

Le ministère de l’Agriculture a dû alors remettre les pendules à l’heure : 437 millions de dirhams est le véritable coût de l’opération de subvention d’ovins destinés au sacrifice, durant les deux dernières années. Un chiffre bien loin des 13,3 milliards de dirhams avancés par Nabil Benabdellah, Secrétaire général du PPS, qui en manque de « punchline » confond entre ce qui est réellement décaissé pour soutenir l’importation du mouton de l’Aid et ce qui peut être assimilé à « un manque à gagner » théorique et surtout fictif.

Les statistiques officielles du ministère de tutelle sont pourtant limpides. 193 MDH ont été accordés pour l’importation de 386.000 têtes d’ovins au titre de l’année 2023 ; et 244 MDH l’année suivante pour 489.000 têtes. Somme toute : 437 MDH pour 875.000 têtes sur les deux années. Ce montant global correspond à l’aide directe de 500 DH par tête, octroyée par l’Etat aux importateurs de moutons pour couvrir le pic de la demande en période de l’Aid.

Les 13,3 milliards de dirhams évoqués renvoient aux droits à l’importation de 200% et de la TVA qui auraient pu être appliqués à ces importations et qui avaient été suspendus dans un contexte particulier (et toujours valable) marqué par la diminution du cheptel. On ne peut même pas parler de manque à gagner pour les recettes douanières, puisque le niveau de ces deux prélèvements sont justement dissuasifs pour l’importation de bétail et protéger ainsi le cheptel national.

Un rapport officiel, communiqué par le ministère de l’Economie et des finances en octobre 2024, lors de l’examen du projet de loi de finances 2025, détaille cette opération. Depuis 2022 et jusqu’au 22 octobre 2024, les recettes potentielles du Trésor, au titre des droits d’importation des bovins sont estimées à 7,3 milliards de dirhams. Au titre de la TVA à l’importation des bovins, elles sont de 744 millions de dirhams, depuis le 3 février 2023, et ce au profit de 133 bénéficiaires.

Concernant les ovins, un peu plus de 5 milliards de dirhams sont considérés comme « manque à gagner », dont 3,9 milliards pour les droits d’importation et près de 1,2 milliard pour la TVA. Ce budget couvre la période allant de février 2023 à fin 2024.

Selon le même rapport, ce sont 156 opérateurs qui ont tiré profit de cette opération sur les deux années (61 en 2023 et 95 en 2024). Là aussi, le gap est énorme avec les 18 opérateurs évoqués par Ryad Mezzour, qui aurait mieux fait de se renseigner d’abord auprès de son collègue, ministre de l’Agriculture.

La surenchère politicienne et le « mindset » moutonnier ou manipulateur des réseaux sociaux a rendu cette fausse polémique virale. Alors qu’on oublie l’essentiel : les mesures prises par l’Exécutif ont contribué à stabiliser relativement les prix des viandes rouges. Si les droits à l’importation et la TVA avaient été appliqués, les importateurs les auraient répercutés sur le consommateur. Le prix de la viande rouge aurait dépassé les 200 DH le kilo…