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Carrière

La gentillesse comme outil de management

La méchanceté et l’agressivité usent la personne et altèrent ses relations. Un bonjour le matin, de la compassion en cas de problème, un petit mot gentil pour un travail bien fait sont des actes qui mettent du baume au cÅ“ur.

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nezha hami eddine 2012 01 06

Appréciée mais décriée, la gentillesse peine à trouver son chemin vers l’entreprise. Parce que la gentillesse rime, dans l’inconscient collectif, avec faiblesse et naïveté. Or, la gentillesse et la bienveillance sont, désormais, des valeurs sûres de l’entreprise constituant un espace d’épanouissement pour ses forces vives.

Une réponse à la crise

L’entreprise est considérée, par certains, comme un espace de compétition où tous les coups sont permis et où la gentillesse ne permet pas de porter l’uppercut, qui envoie au tapis. Qui de nous n’a pas entendu l’expression «trop bon, trop con». La rime est juste, mais l’adage est dolosif. La méchanceté fascine, car elle donne l’illusion de la puissance.
Dans la réalité, la méchanceté et l’agressivité usent la personne et altèrent ses relations avec les autres. L’individualisme et l’«après-moi, le déluge» et leurs corollaires (stress, frustration, démotivation et manque de communication) ont montré leurs limites en entreprise. Ceux qui décrètent cet ordre en souffrent aussi. Ceux qui le subissent finissent, parfois, par rendre la monnaie. Et voilà l’entreprise, censée être un espace de vie et de création de valeur, devenue un champ de bataille rangée.
Or, un constat s’impose. De nos jours, des personnes aspirent, de plus en plus, à des valeurs humaines au sein de l’entreprise. Pour étayer mes propos, je prends pour exemple l’évolution des chartes de valeurs des entreprises, que j’ai constatée ces dix dernières années.
Dans les années 90, les chartes d’entreprise faisaient la part belle aux valeurs comme le professionnalisme, la ponctualité, la proximité, l’esprit client ou la qualité. Des valeurs qui renvoient au savoir-faire, aux compétences techniques.
Au milieu des années 2 000, les chartes ont été enrichies par des valeurs humaines, certes minoritaires, comme l’écoute ou l’esprit d’équipe.
Ces cinq dernières années, la tendance va vers une prééminence des valeurs humaines (écoute, éthique, équité, solidarité, estime) sur les valeurs techniques. Cette évolution consacre l’importance pour les gens en entreprise du savoir-être sur le savoir-faire.
Ce recentrage est l’expression du besoin des salariés de ramener l’humain en entreprise. Il est aussi une réponse à un environnement de plus en plus hostile. Et, in fine, il est un retour aux sources, à notre humanité.

Bienveillance, es-tu là ?

En entreprise, la bienveillance peut être traduite par de simples gestes. Comme ce patron qui, chaque matin, vient dire bonjour à ses collaborateurs. «Avec son cartable, avant de passer à son bureau», me précise un ouvrier.
Elle peut prendre la forme d’un «merci» pour un travail bien fait, ou la visite d’un collaborateur malade ou endeuillé. «J’ai perdu ma mère. Personne n’est venu me voir. C’est le chef du personnel qui est venu me présenter ses condoléances, quand j’ai repris le travail. Depuis, je ne suis plus la même», m’a confié une responsable commerciale dans une société de distribution.
Pour juger de l’impact de la gentillesse sur l’autre, je partage avec vous une histoire rapportée par le psychiatre australien Roger Walsh dans Les Chemins de l’éveil, un excellent livre sur le sens de la vie. C’est une histoire qui s’est déroulée dans les années 60. Dans une classe particulièrement difficile, une institutrice a utilisé des feuilles blanches à endos pour changer les rapports entre les élèves. Chacun est reparti avec sa feuille où la maîtresse a inscrit des compliments. Des années plus tard, cette enseignante assistait à l’enterrement d’un de ses élèves, mort pendant la guerre du Vietnam. La mère du jeune homme s’est approchée d’elle : «Vous vous souvenez de la lettre que vous aviez donnée à Mark ? Il l’avait accrochée au-dessus de son lit en rentrant ce soir-là. Elle était dans la poche intérieure de son uniforme lorsqu’il est mort. Je voulais vous dire merci pour ce que vous avez fait pour lui».

La gentillesse en entreprise

Adopter la gentillesse comme mode de management est, j’insiste, une forme de courage. Car n’est pas gentil qui veut. La gentillesse est l’expression d’une force intérieure et d’audace d’être soi. Pas de gentillesse sans une bonne image et une réelle estime de soi. S’ouvrir aux autres et les accepter est une forme d’intelligence.
La gentillesse et la performance ne sont pas antinomiques. Plus les rapports au sein de l’entreprise sont sains et «élagués» de sentiments et de comportements négatifs, plus les équipes s’impliquent facilement dans leur travail et se sentent partenaires d’un projet.
Et je prends pour témoignage les versets de la Sourate d’Abraham, qui consacre les mots «beaux» ; «[24] Vois-tu à quoi le Seigneur compare, à titre d’exemple, la bonne parole ? C’est à un bel arbre dont les racines se fixent solidement dans le sol et dont la ramure s’élance vers le ciel, [25] en produisant, par la grâce de son Seigneur, des fruits à chaque instant. Dieu propose ainsi des paraboles aux hommes pour les amener à réfléchir. [26] Au contraire, une méchante parole est semblable à un arbre nuisible qui se développe à ras du sol, sans jamais y avoir une attache solide».

Elle suscite un sentiment de bien-être

Faire de la gentillesse un code de vie en entreprise se justifie par ses bienfaits pour l’individu, pour son entourage et pour la qualité de son travail.
La gentillesse génère un sentiment de bien-être, de plénitude et de gratitude interne. Elle permet, selon une étude américaine, de renforcer le système immunitaire, car elle stimule la dilatation des vaisseaux sanguins et augmente le taux de lymphocytes. Des observations d’IRM ont permis d’établir que des actes de gentillesse et son corolaire la gratitude activent la partie du cerveau qui libère les endorphines. Ces neurotransmetteurs ont la réputation d’être des antidouleurs naturels.
La gentillesse est également un facteur de motivation, car, dans l’échange, chacun s’adresse à la partie positive de l’autre, à son prince et à sa princesse. La gentillesse est, agréablement, contagieuse. Nous avons tendance à bien nous comporter envers ceux et celles qui se sont bien comportés avec nous.