SUIVEZ-NOUS

Idées

Le renouveau de l’intermédiation arabe

Comme un corps malade secrète des anticorps, la société arabe, renaissante, cherche à  remettre la démocratie arabe en mouvement en inventant des procédés de revitalisation de la démocratie représentative et de développement de la démocratie participative directe.

Publié le


Mis à jour le

Larabi jaidi 2011 02 21

Au-delà d’une colère de la rue, reflet d’une mauvaise intégration sociale et économique des citoyens, le déferlement de la contestation dans les pays arabes a un aspect davantage politique. Il a révélé un autre aspect de la crise des systèmes politiques au travers de la défiance à l’égard des partis-relais de gouvernements autocratiques. Il y a là un appel à un renouveau profond du rôle des partis dans l’intermédiation démocratique. Les Partis-Etat qui ont structuré la vie politique au travers du «quadrillage social» et géré l’Etat de non droit se sont évaporés, sous la pression de la mobilisation citoyenne. L’érosion progressive de la confiance en ces partis que traduisait déjà la détérioration de la participation démocratique classique (participation électorale, militantisme partisan) avait déjà annoncé la perte de crédibilité de ces institutions. En même temps, le vide démocratique ainsi créé a favorisé le développement d’un «activisme protestataire» (mouvements extrémistes, activisme, agitations urbaines) dans les pores de la société. S’est installé ainsi, dans ces pays, un hiatus entre un idéal démocratique et une réalité marquée davantage par le «cynisme» des Partis-Etat et le désenchantement des citoyens. Mais, aujourd’hui, tout prête à croire que l’ébranlement des structures traditionnelles du jeu politique exprime non seulement une condamnation d’une pratique dévoyée de la politique mais aussi un appel aux partis qui revendiquent la réforme à changer leur rapport à la société. Un appel partagé par une large communauté de citoyens qui expriment la volonté de se réinvestir dans la chose publique. On voit les traces fortes de l’étendue de ce mouvement dans sa composition sociale très diversifiée : jeunes,  vieux, femmes, individus, familles, cadres, chômeurs, intellectuels, artistes, fonctionnaires… Des milieux qui avaient été pendant longtemps peu participatifs aux revendications sociales, qui avaient un comportement de retrait, interprété, souvent à tort, comme un signe de désintérêt politique et de perte de croyance en l’avènement de la démocratie représentative.

Aujourd’hui, ce mouvement social renaissant explore les «ailleurs» politiques d’un engagement citoyen. Derrière ce comportement où se lit beaucoup de protestations, on devine l’émergence d’un nouveau type de citoyen de plus en plus critique. Mais nous constatons qu’en même temps que les valeurs de démocratie progressent dans la société, la confiance dans les institutions de la démocratie représentative peine à se manifester clairement. Beaucoup de jeunes et moins jeunes ne reconnaissent plus à ces institutions que sont les partis la fonction de médiation entre les citoyens et le monde de l’engagement politique. Ils doutent de leur capacité à prendre en charge la demande de démocratie. Beaucoup d’entre eux, sous le brouillage des frontières idéologiques, ne se retrouvent plus dans le clivage gauche/droite et sont porteurs d’une forte apathie et d’un désintérêt parfois agacé pour les formes de démocratie partisane.  La défiance envers  le  système politique se lit comme un appel  de renouveau du système démocratique partisan,  une forte aspiration à plus de démocratie directe, plus de participation sur le mode protestataire.

Si les partis qui s’inscrivent dans la dynamique de la réforme et du changement veulent échapper à la crise de défiance qui touche de plein fouet le système de la représentation partisane, il doivent se ressourcer à cette demande d’une démocratie vivante, participative et davantage en phase avec le niveau culturel et le sentiment de compétence des citoyens. C’est l’unique voix pour renouer les liens avec les mouvements sociaux. Au cas où ils ne le feraient pas, la «démocratie des partis» risque de s’étioler devant la «démocratie d’opinion», cette démocratie où les citoyens transformés en «public» réagissent aux termes qui leur sont exposés et proposés sur la scène publique par des experts en communication, des journalistes et des professionnels du sondage. Pour que l’élan démocratique impulsé par ces mouvements sociaux soit préservé, pour éviter que cet élan ne soit confisqué par d’autres institutions organisées (Armée ou Etat), il est nécessaire  d’inventer  un «nouveau type d’action démocratique» : une démocratie de l’entre-deux, une démocratie intermédiaire qui se situe entre la classique démocratie représentative et la mythique démocratie directe. Cet «entre-deux» est exploré aujourd’hui par l’idée d’une «démocratie électronique» qui prétend apporter une réponse technique -l’internet- à une crise du politique. Ainsi, comme un corps malade secrète des anticorps, la société arabe, renaissante, cherche à remettre la démocratie arabe en mouvement en inventant des procédés de revitalisation de la démocratie représentative et de développement de la démocratie participative directe.