SUIVEZ-NOUS

Idées

Burqa : les punks de l’Islam

Porter le niqab ne semble pas incompatible avec des talents pour la course automobile ! Qui sait, peut-être demain aurons-nous des «ninjas» au prochain rallye des gazelles ? Pourquoi pas, au train où vont les choses, à  la manière dont certaines femmes s’évertuent à  être dans la rupture, au prix de leur propre négation. Et de la négation du combat de leurs aïeules pour gagner le droit à  n’être plus ce que celles-ci entreprennent de redevenir : des ombres sans visages, et donc sans humanité.

Publié le


Mis à jour le

rub 16652

Une Chevrolet, petite et toute blanche, se faufile dans les embouteillages. Puis s’arrête, prisonnière à son tour d’un goulot d’étranglement. Au volant, contraste saisissant, une forme, intégralement voilée de noir. D’elle, on ne voit que les yeux, soulignés d’un trait de khol appliqué avec soin. Et les mains. Des mains aux doigts fins et délicats, à la manicure soignée. Une «french», s’il vous plaît. Une montre de grande marque, très sport avec un bracelet d’homme, orne un poignet de femme. La blancheur de la peau tranche avec la noirceur du voile qui dérobe aux regards le visage et la chevelure de la conductrice. A la première ouverture, celle-ci donne un coup de volant à droite, puis à gauche et se dégage avec agilité de l’étau.

Porter le niqab ne semble pas incompatible avec des talents pour la course automobile ! Qui sait, peut-être demain aurons-nous des «ninjas» au prochain rallye des gazelles ? Pourquoi pas, au train où vont les choses, à la manière dont certaines femmes s’évertuent à être dans la rupture, au prix de leur propre négation. Et de la négation du combat de leurs aïeules pour gagner le droit à n’être plus ce que celles-ci entreprennent de redevenir : des ombres sans visages, et donc sans humanité. Car l’humanité d’un être s’exprime d’abord à travers sa face. Pas de visage, pas d’humanité. Retour à l’état de non-être auquel des siècles de domination patriarcale ont tenté de réduire le sexe féminin. De là où elle est, l’Egyptienne Huda Shaarawi, la première à avoir arraché son voile en public et revendiqué le droit de présenter son visage à la lumière -c’était en 1929-, doit se demander quel vent de folie souffle sur ses arrières-petites filles. Car cette régression, quand elle est voulue et revendiquée par des femmes qui en font le choix délibéré, est effectivement le signe que quelque chose ne va pas. Dans la tête des intéressées comme dans la communauté dont elles relèvent.

Depuis quelques mois, le débat sur la burqa fait rage en France, le pays européen dont nous sommes le plus proche, tant par l’histoire que par la présence sur son territoire d’un nombre important de nos concitoyens.  Après le hijab, déclaré non grata dans les écoles et les lycées, le législateur français est appelé à se prononcer sur la burqa. Malgré l’avis rendu par le Conseil d’Etat quant à l’incompatibilité du droit français avec une interdiction de la burqa dans l’espace public, les politiques sont bien décidés à élaborer une loi qui en criminaliserait le port. La Belgique, pour sa part, n’a eu aucun état d’âme à devenir le premier pays à sauter le pas en la matière. De prime abord et vu de l’extérieur, cette agitation autour d’un habit porté par une poignée infinitésimale de femmes peut paraître tout à fait incompréhensible. Si le hijab, dans les communautés musulmanes vivant en Europe dispose d’une vraie visibilité, les burqas n’excéderaient pas les 4000 en France. Au regard des 58 millions d’habitants que compte l’Hexagone, cela frise l’absurde que de vouloir légiférer à ce propos. Parmi les musulmans de ces pays, beaucoup se sentent agressés par un tel débat, vivent celui-ci comme une nouvelle manière de les stigmatiser, l’association à l’Islam en dépit de toutes les dénégations étant automatique. L’accroissement de l’islamophobie en Europe -cf. la récente affaire des minarets en Suisse- n’est pas une vue de l’esprit. Maintenant, peut-on pour autant réduire la volonté d’interdire la burqa au rejet de l’Islam et au calcul politicien. Calcul politicien, sûr il y a, mais émoi réel face à cette résurgence de l’archaïque au sein d’une société moderne, également.

Le même que des modernistes marocains, hommes ou femmes, peuvent ressentir à voir en plein milieu d’un carrefour, un spectre noir conduisant une auto blanche. Autant croiser une femme en niqab marchant au côté d’un homme à la barbe peinte au henné et la gandoura tombant à mi-mollet dans un quartier traditionnel peut laisser indifférent, l’image pouvant se fondre dans le paysage, autant la retrouver dans un espace de modernité est déstabilisant. Cette présence perturbe, agresse et angoisse. Pourquoi? Parce qu’elle rappelle combien sont fragiles les acquis de la modernité, à savoir l’autonomie et la liberté individuelle. Comment oublier que ceux-ci ne sont pas tombés du ciel (c’est le cas de le dire !) mais sont le fruit de combats longs et ardus. N’était-ce pas l’Eglise qui déniait aux femmes la possession d’une âme. Alors oui, les Européens (les Européennes surtout) sont en droit de dire «pas de ça chez nous !». Maintenant, il y a une autre manière d’aborder le problème. Par la dérision et l’indifférence. Certaines se teignent bien les cheveux en rouge. Nos femmes hiboux, c’est le noir qu’elles affectionnent. Alors, voyons-les comme les «punks de l’Islam» !