Idées
Les contrats programmes, une démarche en quête de renouveau
Chronique de Larabi Jaïdi.

Quelle signification faut-il accorder à l’approche des contrats programmes qui engagent les acteurs impliqués dans un ensemble de secteurs autour d’un diagnostic, d’une stratégie, des objectifs et des moyens? Serait-elle une démarche définissant des relations d’un nouveau type entre l’Etat et les entreprises publiques ? Quels principes faut-il respecter pour que la démarche soit porteuse d’efficacité? Ces pratiques contractuelles, qui remontent aux premiers temps de la réforme du secteur public, ont introduit des éléments positifs dans la gestion du portefeuille de l’Etat : clarification des responsabilités des ministères de tutelle et des entreprises, meilleure continuité des programmes d’investissement, décentralisation de la gestion de l’entreprise… Mais en sens inverse, des défauts ont été relevés : nombreux contrats inachevés ou non renouvelés ; contentieux sur les engagements ; absence de suivi et de sanctions. Plusieurs contrats programmes l’ont surtout été dans leurs intentions beaucoup plus que dans leurs réalisations. Faut-il pour autant considérer que cette procédure est caduque? Non ! Il s’agit de la renouveler de manière significative. Les contrats programmes avec les entreprises du secteur public devraient être porteurs d’une nouvelle dynamique : la mise en convergence des intérêts des entreprises et ceux de l’Etat. Pour que de tels contrats ne se réduisent pas à un effet d’annonce ou à la mise en place d’une nouvelle technique juridique, mais engendrent cette dynamique, des principes doivent être clairement affirmés et respectés. Tout d’abord, la clarté des engagements et des responsabilités des partenaires. Diverses raisons conduisent ici à mettre l’accent sur ce principe : les rapports entre l’Etat et les entreprises publiques sont complexes. Ces rapports sont souvent un enjeu de pouvoir. Il convient donc d’éviter les conflits qui peuvent résulter de l’interprétation des termes des contrats. L’Etat doit d’abord considérer l’entreprise comme une entité autonome. En sens inverse, les entreprises publiques ne devraient pas se considérer dispensées d’obligations, sous prétexte d’autonomie de décision. Pour éviter des conflits d’interprétation, le contrat devrait s’appuyer sur une stratégie économique précise et déboucher sur des engagements des partenaires. Tout dépend de la capacité de l’Etat à afficher des objectifs transposables au niveau de l’entreprise publique, le risque étant que la diversité des niveaux de décision de la puissance publique ne conduise à des incohérences dans la mise en œuvre des engagements. Les contrats programmes devraient être porteurs d’une nouvelle dynamique au sein du secteur public, leur efficacité dépend aussi de l’existence d’une stratégie clairement définie au niveau des secteurs économiques et de la mobilisation des forces de l’entreprise publique à cette fin. Le deuxième principe réside dans le pragmatisme qui doit présider à la gestion des contrats. Les partenaires cherchent, en général, à éviter de figer les modalités des contrats dans un cadre de référence fermé. L’intérêt de cette démarche est de laisser une marge à des corrections en cours d’exécution. Une flexibilité exigée par la différenciation des horizons: une durée longue s’articulant sur les engagements stratégiques portant sur des grands programmes d’équipement et d’investissement, une durée plus courte traitant des aspects directement opérationnels et permettant une évaluation plus systématique des moyens à mettre en œuvre. La nature des engagements peut donner lieu à une grande variété de situations. Ne faudrait-il pas séparer parmi les objectifs retenus ceux qui ont une ambition générale de ceux qui correspondent à des obligations précises pour les partenaires, ou encore ceux qui font réellement l’objet du contrat de ceux qui relèvent exclusivement de l’autonomie de gestion des entreprises. Sans doute s’agit-il là de différences de degré mais cette clarification s’impose car deux tendances contradictoires jouent ici en permanence: la tendance de la puissance publique à attendre de l’entreprise publique la réalisation d’objectifs pas toujours maîtrisables; la tendance des entreprises publiques à gonfler leurs revendications ou leurs besoins d’investissements pour justifier des facilités de financement et minimiser leurs engagements. Le troisième principe fait du suivi et de l’évaluation des impératifs d’efficacité. La mission du comité des contrats programmes ne devrait donc pas être seulement une mission de préparation et de signature, elle devrait être aussi une mission de suivi. Le suivi sera d’autant plus facile à opérer que les objectifs auront été fixés de manière opératoire et quantifiée et qu’ils pourront être révisés. Le suivi et le contrôle des contrats programmes devraient mettre en œuvre des procédures de suivi encore plus précises et efficientes que celles utilisées pour leur élaboration. La mission de suivi consisterait à recueillir l’information concernant la mise en œuvre des mesures, l’environnement et les indicateurs de réalisation, à instruire les propositions d’ajustement des contrats, à exercer une fonction de veille et d’appel et de conseil auprès des partenaires. Le manquement aux obligations devrait déboucher sur une évaluation et des mesures de correction. C’est à cette condition que le secteur public pourrait contribuer à une politique de développement clairement définie, évaluable dans ses objectifs et ses moyens.
