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Affaires

Prêts fictifs, fraudes, dossiers à  risque…, ce que la Banque populaire a nettoyé pour absorber Zakoura

Refonte des procédures, agents fraudeurs remerciés, action en justice contre les mauvais payeurs : trois gros chantiers menés.
Un plan de convergence conduit par le cabinet Valyans en vue d’harmoniser méthode de travail et culture maison.
Zakoura continue d’exister jusque-là , mais les fonctions communication, marketing, comptabilité, audit et contrôle ont été mutualisées.

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Un an de nettoyage et de refonte des procédures ! C’est ce qu’aura nécessité la préparation de la fusion entre les Fondations de microcrédit Banque populaire et Zakoura. Il faut dire que depuis la signature du protocole fixant les modalités de leur fusion, le 5 mai 2009, les équipes en charge du dossier n’ont pas chômé. La tâche reste compliquée s’agissant de deux associations à but non lucratif, dont une, en l’occurrence la Fondation Zakoura, se trouvait en mauvaise posture. Fortement mise à mal par les impayés, Zakoura était d’ailleurs pointée du doigt dans un rapport de la Société financière internationale (SFI) sur le microcrédit, dévoilé en février 2009. La fondation, créée par Noureddine Ayouch en 1995, y apparaît comme «un cas spécial qui affecte l’industrie entière et nécessite une attention particulière». Il faut dire qu’à fin octobre 2008, Zakoura enregistrait un portefeuille à risque (PAR) à plus de 30 jours de retard de paiement de 11,6%, soit 123 MDH sur un encours de prêt d’un milliard de DH. D’où l’opération de redressement organisée par la Fondation Banque populaire pour le microcrédit (FBPMC), une décision prise aussi bien dans l’intérêt de Zakoura que dictée par une volonté politique.

Une mise à niveau indispensable avant l’absorption

A la suite d’un diagnostic des procédures internes, les nouveaux dirigeants se sont rapidement aperçus que «l’essentiel des difficultés étaient dues à des causes endogènes», souligne Mustapha Biddouj, secrétaire général de la FBPMC.
Plusieurs défaillances ont en effet été constatées, notamment en ce qui concerne l’octroi des prêts. De nombreuses fraudes ont ainsi été recensées et notamment l’existence de dossiers de crédits fictifs. Le résultat d’une course au portefeuille pour des agents qui percevaient une petite prime pour chaque nouveau client. Dans le cadre de la mise à niveau, près de 500 personnes sur les 1 700 que comptait la fondation, essentiellement des agents, ont ainsi été licenciées. Une centaine est même poursuivie en justice. Le développement du réseau était également devenu anarchique : il n’était pas rare qu’une agence ne soit constituée que d’un seul agent, ce qui, évidemment, pose un problème en matière de contact avec les clients en cas de disparition ou de renvoi de cet agent. «Nous avons arrêté la production afin de juguler l’hémorragie. Car il ne sert à rien de seulement colmater les brèches», nous confie M. Biddouj. Les actions d’audit se sont multipliées et les procédures de déboursement et remboursement ont été revues. Le personnel retenu a bénéficié de huit modules de formation, assurés en interne ou par des cabinets indépendants. Une campagne de moralisation a également été menée. Objectif : recentrer la fondation sur la priorité du microcrédit, à savoir la proximité avec le client. Enfin, des procédures judiciaires à l’encontre des clients malhonnêtes ont été lancées. Sur le plan financier, certains prêts ont été remboursés par anticipation, à la demande de la FBPMC qui les jugeaient trop chers.

Le décret de la dissolution de Zakoura attendu pour cet été

Bien que le plan de redressement ait duré jusqu’à tout récemment, M. Biddouj assure que la FBPMC reste vigilante, et veille à ce que l’institution reste sur les rails. Parallèlement au plan de redressement, la FBPMC s’est offert les services du cabinet Valyans dans la mise en place d’un plan de convergence en vue de la fusion. «Onze groupes de travail ont été constitués. Une centaine de personnes est mobilisée dans les deux structures» nous apprend M. Biddouj. Cela fait neuf mois que l’équipe bûche sur la meilleure procédure à adopter. L’opération est unique : marier deux associations à but non lucratif. Techniquement, la loi marocaine sur le microcrédit prévoit, dans ses articles 25 et 26, le retrait de l’agrément prononcé par le ministre chargé des finances, puis, «le produit net de liquidation est attribué à l’Etat pour être consacré à des organismes ayant le même objet après avis du Conseil Consultatif du microcrédit», en l’occurrence la FBPMC. Le décret prononçant la dissolution est attendu d’ici l’été. Jusque-là, Zakoura continue d’exister, mais différents départements ont d’ores et déjà été mutualisés : communication, marketing, comptabilité, audit et contrôle. «Nous sommes prêts à 98%», assure M. Biddouj. Sur la question des ressources humaines, le SG de la FBPMC garantit qu’il n’y aura pas de licenciement économique. «Le plus problématique est finalement la fusion des cultures. Mais aujourd’hui tout le monde se sent plus ou moins de la même maison», conclut-il.