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Un contrat de mariage avec annexe de répartition des biens ?
Il permet de mettre en communauté les biens achetés pendant le mariage et de les répartir entre les époux en cas de divorce selon un pourcentage établi à l’avance.
Ce type de contrat a vu son nombre tripler depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle Moudawana : 900 contrats en 2007.
Avantages, inconvénients…,
ce qu’il faut savoir.

Ah ! le mariage… Toute une promesse de bonheur… Tout un effort de planification aussi, pour fixer les règles du jeu pécuniaire entre les époux pendant le mariage… mais aussi après, en cas de séparation notamment.
Si sur ce plan, la marge de manœuvre était, jusqu’à il y a quelques années, réduite, l’entrée en vigueur de la loi n° 70-03 le 3 février 2004, portant promulgation du code de la famille (Moudawana), est venue bouleverser le statu quo. Ce code autorise en effet les époux à annexer à leur acte de mariage un contrat gérant les aspects patrimoniaux de leur relation. Un recours pour celui qui ne souhaiterait pas tomber sous le régime général. En quoi consiste justement ce dernier ?
Si aucune démarche n’est entreprise, le régime qui s’applique est celui de la séparation des biens
Si aucune démarche n’est entreprise pour établir un contrat annexe à l’acte de mariage, le régime qui s’applique est celui de la séparation des biens. Celui-ci fait que «les patrimoines respectifs des conjoints sont distincts l’un de l’autre et chaque conjoint a la libre disposition de ses biens», selon les termes de l’article 49 de la Moudawana.
Concrètement, aux yeux de la loi, les conjoints disposent chacun d’un patrimoine propre. Le patrimoine matrimonial ne comprend donc aucun bien détenu conjointement par les époux.
Autrement dit, tous les biens acquis avant et pendant le mariage restent la propriété de celui qui les a achetés. Il en est de même pour les biens reçus par héritage ou donation. Quant aux biens achetés conjointement, ils appartiennent aux deux époux en proportion des parts acquises qui doivent correspondre aux apports de chacun. Par ailleurs, chacun reste responsable des dettes qu’il a contractées. C’est là l’un des principaux avantages de ce régime. Les créanciers de l’un ne pourront en effet jamais saisir les biens appartenant à l’autre. Ceci fait de la séparation des biens le régime le plus indiqué pour les entrepreneurs individuels et les époux exerçant une profession libérale (commerçants, artisans…).
Seulement, ce régime présente un défaut de taille : à la dissolution du mariage, l’époux qui n’exerce aucune profession et qui ne dispose d’aucune fortune personnelle se retrouve particulièrement démuni, car en cas de divorce, chacun des conjoints récupère la quote-part de ce qu’il a investi (ainsi que ses biens personnels qu’il détenait préalablement au mariage).
Le juge qui opère cette répartition statue en fonction des preuves qui lui sont fournies par l’une et l’autre partie. A noter que pour un bien immobilier, l’inscription à la conservation foncière fait foi, lorsque le bien est immatriculé (s’il ne l’est pas, le contrat d’acquisition fera foi). Concernant les biens meubles, ce sont les factures d’acquisition qui servent de preuve. Pour éviter toute contestation, mieux vaut donc conserver factures et relevés bancaires, ce qui est plus facile à dire qu’à faire.
Mis à part ce régime général, il est donc possible (car il s’agit d’un choix optionnel) pour les conjoints de s’entendre sur une répartition des biens acquis tout au long du mariage.
En conséquence, «les époux peuvent se mettre d’accord sur les conditions de fructification et de répartition des biens qu’ils auront acquis pendant leur mariage», selon les termes de l’article 49 de la Moudawana. Ce régime pourrait s’apparenter à celui de la communauté des biens réduite aux acquêts (voir encadré ci-dessous), mais la législation s’en démarque : la disposition introduite par l’article 49 de la Moudawana donnant droit à l’élaboration d’un contrat annexe «n’a aucun rapport avec les règles prévues par certaines lois en ce qui concerne la conclusion d’actes de mariage dans le cadre de la séparation ou la communauté des biens du fait que la nouvelle disposition diffère totalement», est-il précisé dans l’article 49 de la Moudawana. Car «le seul régime reconnu par le droit musulman marocain est celui de la séparation des biens», précise Me Mohamed Alami, notaire à Casablanca.
Concrètement, la possibilité laissée aux conjoints d’organiser la répartition de leurs biens fait que tout ce qui est acquis pendant le mariage, ainsi que tous les revenus, quelle qu’en soit l’origine, seront communs aux époux. Chacun ayant la pleine capacité d’administrer les biens communs, et toutes les opérations importantes concernant ces derniers devant recueillir la signature des deux époux.
Plus d’équité mais plus de difficultés dans la liquidation et la gestion dans le régime optionnel
Cela dit, tout ce dont les époux étaient déjà propriétaires avant le mariage, ainsi que tout ce qu’ils pourront recueillir au cours du mariage par voie de donation, succession ou legs, et qui constitue des biens propres, ne tombe pas sous le coup de la communauté. Chaque époux en conserve donc la libre disposition et la libre administration. «La décision (…) ne portera jamais sur les biens que possédait chacun d’eux avant la conclusion de l’acte de mariage. Elle se limitera uniquement aux biens acquis durant la période du mariage», comme l’explicite bien l’article 49. Quant aux dettes, hormis celles concernant les biens propres, elles sont communes et engagent tous les biens acquis au cours du mariage, quelle que soit la partie qui les a contractées. En cas de survenance d’une dissolution de l’acte de mariage, chacun des époux reprendra ses biens propres tandis que la communauté sera liquidée, c’est-à-dire partagée entre les deux époux selon les proportions stipulées par le contrat annexe à l’acte de mariage.
Seul hic, si les comptes sont faciles à établir, ils ne reflètent pas toujours la réalité financière des apports de chacun. Ce qui peut donc être source de litiges difficiles à résoudre. Et on n’en est pas à cet inconvénient près pour le régime optionnel introduit par la Moudawana. En effet, la gestion des biens communs peut aussi poser quelques problèmes puisque les décisions importantes (la vente notamment) exigent l’accord des deux conjoints (y compris après un divorce quand les biens communs sont soumis à indivision -un concours de plusieurs droits de même nature sur un même bien sans qu’il n’y ait division matérielle des parts).
Autre difficulté technique, si un conjoint achète des biens avec le produit de la vente d’un bien qui lui est propre, les nouvelles acquisitions ne resteront sa propriété personnelle qu’à condition qu’il précise bien l’origine des fonds. Ce qui n’est pas réalisable dans tous les cas. Pour la même raison, la famille d’un conjoint peut hésiter à lui faire des donations par crainte que celle-ci n’entre en communauté. Le régime optionnel n’offre pas enfin la sécurité du régime de séparation des biens. Car si les bénéfices sont communs, les dettes le sont aussi. Il en résulte qu’en cas d’impayés, les créanciers d’un des époux peuvent saisir ses biens propres, mais aussi les biens en commun.
Tout cela étant, le régime optionnel contrebalance ces inconvénients par un avantage majeur qui est celui d’équilibrer l’union. En effet, il ne crée pas de disparité financière entre les deux époux qui s’enrichissent simultanément et de la même manière. Par conséquent, il convient tout particulièrement aux couples dont l’un des conjoints ne dispose d’aucune source de revenus (ni travail, ni patrimoine propre) et passe sa vie à gérer le foyer.
A noter enfin que pour établir une annexe à un acte de mariage, celle-ci doit faire l’objet d’un document distinct. L’accord peut prendre la forme d’un acte sous seing privé, notarié ou adoulaire.
Pour se décider entre les trois options, il faut considérer que la certification auprès d’un notaire apporte le bénéfice de l’authenticité en ce sens qu’il s’agira d’un document reconnu par l’autorité publique. Le risque de le voir rejeté comme élément de preuve devient d’autant moins important. Pour sa part, l’adoul pourra renseigner les partis sur la licéité des clauses introduites étant donné que celles-ci sont laissées à la libre appréciation des conjoints. Plus que cela, un avocat pourra fournir des conseils et des propositions pour affiner les clauses.
