Carrière
Télétravail et absentéisme : Attention aux effets de désertion
Le télétravail présente plusieurs avantages aussi bien pour l’entreprise que pour les collaborateurs. Toutefois, mal pratiqué, il peut aussi provoquer des dysfonctionnements.

Bon nombre d’entreprises ont fait le choix de miser sur le télétravail. Ce dernier a donné plus de liberté aux salariés dans l’organisation de leur boulot.
Toutefois, tout n’est pas rose dans ce mode de travail. En effet, l’employeur perd en partie la maîtrise et le contrôle de la productivité du salarié et fait face à de nombreux effets, notamment l’isolement, l’absence de repères, le désengagement, la surcharge de travail ou encore la surconnexion.
Va-t-il jusqu’à favoriser l’absentéisme ? Pour Amine El Karti, consultant RH, «le travail hybride est un dilemme que beaucoup d’entreprises sont en train de vivre depuis ces deux dernières années. S’il est devenu une pratique subie durant le confinement, il a été effectué dans des conditions dégradées et certains managers ont malheureusement été dans l’incapacité de s’adapter brutalement à cette nouvelle forme de management.
Si certains ont pris goût au télétravail, beaucoup de salariés utilisent tous les moyens pour ne pas revenir au bureau par crainte du risque sanitaire. Ces moyens peuvent aller de la production fréquente de certificats médicaux au recours aux congés non consommés. Tous les moyens sont bons pour préserver ce nomadisme».
C’est un peu le problème qui se pose pour les entreprises lorsqu’il est question de faire revenir les salariés au travail et les remotiver. Car, si certains sont contents de retourner au bureau et retrouver leurs collègues, d’autres traînent le pied. Les raisons se mêlent et s’entremêlent : craintes pour la santé, la garde d’enfants, ou encore la remise à plat des priorités, le désir de s’installer ailleurs…
D’autre part, le développement du télétravail présente un risque de «présentéisme numérique» chez les salariés. Une étude menée auprès de plus de 3 millions de salariés dans le monde montre que pendant la crise sanitaire le temps de connexion des salariés a augmenté de 48 minutes par jour (ce qui représente 4 heures par semaine). Une autre révèle que le temps de travail a augmenté de 30% (essentiellement en dehors des horaires de bureau) pour atteindre les mêmes résultats. Paradoxalement, ce surtravail s’est accompagné d’une baisse de la productivité, ce qui est assez caractéristique du phénomène de présentéisme.
Walid, programmeur informaticien chez un éditeur informatique, est de ceux qui ont vu leur vie basculer à cause d’une surdose de télétravail. «A force de multiplier les visio-réunions pendant la journée, mon travail ne débute qu’en fin de journée. Parfois, je passe des nuits blanches à faire avancer mes dossiers. J’accuse le coup parfois pour rétablir l’équilibre», raconte-t-il.
Pour Meriem Benjelloun, psychologue, «il est difficile de séparer les temps et espaces de vie, échanges compliqués et tensions entre collaborateurs, difficultés techniques, charge de travail accrue, addiction au travail, difficultés d’organisation… Le télétravail a pu créer de la «détresse» chez certaines personnes comme la dépression ou l’épuisement», précise-t-elle.
De nouveaux modes de fonctionnement à mettre en place
On sait aussi que les conséquences de l’absentéisme représentent une lourde charge pour l’entreprise. D’abord une charge financière, puisqu’il a un impact direct sur la productivité du fait de la désorganisation du travail mais aussi parce qu’il développe un turnover au sein des effectifs et la difficulté à stabiliser et fidéliser le personnel.
Bien évidemment, certaines entreprises ont tendance à privilégier les dispositifs répressifs tels que les sanctions financières ou disciplinaires. Dans la plupart des cas, ces réponses s’avèrent insuffisantes ou inadaptées.
Que faire alors ? Le recours au télétravail, au-delà du contexte sanitaire et de manière durable, interpelle les décideurs et professionnels RH sur plusieurs volets dont celui du managérial.
Dans beaucoup de cas, il s’agira de définir de nouveaux repères de ce mode de fonctionnement. Les managers s’efforceront d’apporter et rapidement des réponses à des questionnements clés : quelles approches de mobilisation des troupes, de fixation des objectifs et des priorités, d’animation des équipes et de reconnaissance de la performance ?
Reste qu’une organisation parfaite du temps de travail est impossible. C’est un dosage subtil qu’il faut préserver. La présence au bureau est toujours nécessaire rien que pour entretenir des relations avec son entourage professionnel, partager les expériences… Mais l’important est de se focaliser sur la performance réelle. Un manager doit passer de la logique de présence obligatoire à la logique de la clarté des objectifs et à la mesure de la performance réelle.
