Culture
Mehdi Qotbi, maître calligraphe
Mehdi Qotbi est l’une des figures de proue de la peinture contemporaine marocaine.
Il a été découvert par Jilali Gharbaoui, qui a beaucoup fait pour faire connaître ses toiles. Parcours.

Mercredi 13 octobre. Ce jour-là, l’espace d’art Actua prend un bain de jouvence. Pas moins d’une vingtaine de marmots excités l’ont assailli. Les cimaises en tremblent. Les accompagnatrices sont débordées. Ces enfants d’une œuvre de bienfaisance casablancaise n’avaient jamais mis les pieds dans une salle d’exposition. Certains d’entre eux se croient sérieusement en «Amérique», d’autres, plus futés, demandent l’heure à laquelle le film va commencer. Aucun ne prête attention aux toiles accrochées. Et quand Mehdi Qotbi, hôte gouailleur de la marmaille, désigne une fresque en interrogeant un galopin sur ce qu’elle représente, ce dernier répond avec assurance : «c’est un rideau». Certains s’en gondolent, l’artiste, lui, s’attendrit de cette réplique. Quand il avait l’âge du gamin, il était à mille lieues d’imaginer qu’un jour il ferait œuvre artistique. Préoccupé avant tout par le gîte et le couvert, il ne pouvait goûter aux nourritures spirituelles ni hanter les lieux où elles s’offraient.
Il est venu à l’art par ennui
Les rigueurs du lycée militaire de Kénitra l’incommodaient ; la vie à la caserne était monotone. Par le dessin, qu’il découvrit par hasard, Qotbi surmontait la sinistrose ambiante. Il passait le plus clair de ses loisirs à croquer tout ce qui passait à portée de son crayon. Il se fit une réputation parmi les troufions, qui l’encouragèrent à se jeter dans le bain pictural. Il le fit avec la ferveur du prosélyte. Son œuvre, d’abord poussive, puis de plus en plus réfléchie, finit par prendre corps et style. Jillali Gharbaoui la remarqua, et s’en fit le chantre dans les cénacles, mais Qotbi était encore un «bleu» et on le snoba. Deux de ses tableaux seulement furent vendus grâce à l’abattage de Gharbaoui. Il ne s’en formalisa pas, il savait que son art n’était pas suffisamment affiné faute d’une formation académique. Il visa les Beaux-arts de Rome, et ce fut Paris qui se chargea de le «dégrossir».
Une fois son cursus terminé, en 1971, Mehdi Qotbi chercha à percer par la calligraphie. Saturées d’une lettre nombreuse, ses toiles renferment un silence vertigineux qui livre place au mystère. Dans le ruissellement de signes, des écrivains, comme Daniel Rondeau, soupçonnent un conte: «Il n’y a pas d’image, mais un homme qui parle. Un homme qui raconte ce qu’il voit sur les nuages, sur les murs de nos pensées, sur la kabbale des rêves». En tout cas, la peinture de Qotbi plaît aux plus grands de ce monde, inspire nombre d’écrivains et de poètes, questionne penseurs et philosophes. Pour s’en convaincre, il suffit de feuilleter l’ouvrage, Mehdi Qotbi. Le voyage de l’écriture (Somogy, éditions d’art)
