Culture
Art déco : ce patrimoine en péril a fait l’objet d’une journée d’étude le 12 juin
Le style Art déco, qui s’est développé dans le monde après l’Exposition universelle de 1925, est représenté de manière spécifique et prolifique au Maroc.
Le ministère de la Culture a délégué au cabinet Archimédia l’organisation à Casablanca, le 12 juin dernier, d’une journée d’étude sur le devenir de ce patrimoine en péril, faisant intervenir de nombreux spécialistes marocains et étrangers. Compte rendu.

Que faire quand une situation est dans l’impasse ? Organiser une discussion sur la question, c’est le choix qu’a fait le ministère de la Culture le 12 juin, en déléguant à Archimédia l’organisation, à Casablanca, d’une journée d’étude sur le thème: «Le patrimoine Art déco, quel devenir ?».
Beaucoup de monde dans la salle de ce palace casablancais pour écouter un panel de spécialistes marocains, français, portugais et espagnols parler de la conservation et de la restauration du patrimoine, de l’histoire de ce mouvement architectural, du développement touristique ou d’expériences remportant un grand succès comme ces itinéraires d’architecture réalisés à Barcelone.
Le style Art déco se développera partout dans le monde après l’Exposition universelle de Paris, en 1925. En s’inspirant des grands courants stylistiques européens, les architectes d’alors surent intégrer les savoir-faire des artisans marocains et expérimenter toutes les combinaisons de matériaux et de motifs pour forger un style spécifique, dont Casablanca fut le grand représentant. Beaucoup s’accordent à dire que ce patrimoine architectural pourrait être un des facteurs de développement économique de la ville. Mais que faire, en l’absence d’une législation efficace pour sa protection, de moyens financiers à hauteur des coûts de sa réhabilitation, de formation de praticiens rompus aux techniques de rénovation, de conditions de vie attractives dans le centre-ville, d’intérêt pour ces immeubles abandonnés au bon plaisir de locataires n’ayant aucune connaissance de leur valeur ?
A l’issue de la journée, tout le monde est dans l’expectative. Il y a ceux qui arguent que les priorités sont ailleurs, ceux qui espèrent que la montagne n’accouchera pas d’une souris et qu’ils auront les moyens de leurs objectifs et ceux, enfin, qui font des pronostics en se demandant qui osera ouvrir ce vaste chantier.
Le ministère de la Culture, garant de l’approche historique et scientifique, proposera-t-il un cadre législatif actualisé pour accompagner les élus dans leur travail, laissant au secteur privé la prise en charge financière – importante – des réhabilitations ? Les communes pourront-elles garantir transport, propreté, sécurité, culture et loisirs aux usagers souhaitant se réinstaller dans les centres-villes ? Les groupes de BTP sauront-ils saisir l’opportunité de nouvelles activités liées à la restauration et à la recherche sur les matériaux? Les associations de sauvegarde sauront-elles s’adresser aux populations vivant en ces lieux? Les écoles d’architecture ou des Beaux-Arts créeront-elles les nouvelles sections nécessaires à la connaissance et à l’expertise de ce patrimoine? Secteur public et secteur privé sauront-ils coopérer pour sauver des chefs- d’œuvre en péril, à l’échelle d’une ville entière, avant qu’il ne soit trop tard ?
Filipe Mario Lopes, architecte et urbaniste portugais, président de l’Association des métiers du patrimoine et de la réhabilitation de Lisbonne, a montré comment, par le jeu de la récupération des valeurs foncières et le manque de conscience de sa valeur, Lisbonne a connu une destruction importante de son patrimoine. Après la révolution des Oeillets, en 1974, l’habitat ancien a fait l’objet de programmes de financements spécifiques. Avec l’appui d’une législation et le maintien des résidents, ce sont 7 500 logements qui ont été réhabilités, en dix ans, avec un coût moitié moins élevé que celui des logements sociaux neufs. A l’heure où le logement du plus grand nombre est une priorité, cet exemple est précieux et porteur d’espoir
Les communes pourront-elles garantir transport, propreté, sécurité, culture et loisirs aux usagers souhaitant se réinstaller dans les centres-villes ?
Façade d’immeuble des années 1930. Casablanca est le grand représentant de l’intégration des matériaux et savoir-faire de l’artisanat marocain au courant architectural Art déco européen.
