Idées
Interventionnisme dans l’économie : le gouvernement persiste et signe !
Au moment où le nouveau ministre des finances essaye à peine de retenir le nom de ses proches collaborateurs, tous les regards sont rivés sur ses premières paroles, ses premiers gestes et ses premières décisions.

Les opérateurs attendent de lui le redressement d’une économie en panne de croissance. Et comme si l’ex-banquier avait une baguette magique, ces attentes sont fortes et surtout immédiates, à l’occasion de sa première Loi de finances ; une LDF qui cristallise parfaitement toutes les contradictions de notre politique économique. Et pour cause, l’Etat supposé guérir notre économie a besoin lui-même d’un bon médecin. Le léviathan n’est pas la solution à nos problèmes, il en est l’origine.
Dans l’un des rapports de la Cour des comptes, on apprend que la fonction publique employait en 2016 environ 860 253 personnes. Cette armée de fonctionnaires nous coûterait annuellement quelque 120 milliards de dirhams, soit 3 428 DH que doit prélever chaque Marocain de ses revenus pour payer un fonctionnaire censé lui rendre la vie plus facile. Cette masse salariale a augmenté de 5,3% en moyenne par an entre 2008 et 2016, au moment où l’économie marocaine n’avait progressé que de 3,9%. Pis encore, durant cette période, la masse salariale s’est accrue de 59,2%, contre une hausse d’à peine 9% du nombre de fonctionnaires. Ainsi, le salaire mensuel net moyen d’un fonctionnaire a atteint 7 700 DH en 2016 (en croissance de 51,6% sur 2006) contre à peine 4 932 dirhams pour un salarié du secteur privé, avec la sécurité du travail en moins. Autrement dit, non seulement la fonction publique coûte cher aux Marocains, mais sa ponction sur la richesse nationale va crescendo. Ce prélèvement est également largement supérieur à ce qui est observé dans des pays voisins. C’est ainsi que le salaire net moyen d’un fonctionnaire marocain représente environ 3 fois le PIB par habitant contre 1,2 fois en France et 1 fois en Espagne. Des largesses payées par le contribuable qui supporte un fardeau financier sans en voir la contrepartie. Cela a de quoi tuer toute initiative privée, si on doit investir et prendre des risques pour payer grassement des fonctionnaires, quand bien même ils feraient bien leur travail. Mais qu’en est-il réellement ?
Toujours selon le rapport de la Cour des comptes, «l’amélioration substantielle des revenus des fonctionnaires ne se traduit pas par une amélioration de la perception de l’Administration chez le citoyen». À titre d’exemple, au niveau de l’éducation nationale, les magistrats de la Cour notent que les absences enregistrées en 2016 avaient atteint un total de 406 890 jours. Ainsi, «une part importante d’enseignants (90% des enseignants du cycle secondaire qualifiant et 74% du cycle secondaire collégial) n’assument pas la charge horaire qui leur est impartie à cause de l’inadéquation entre le déploiement des enseignants et la taille des structures scolaires», déduit le rapport. Il en est de même de la Santé où «une étude avait montré qu’en moyenne 42% du temps de travail du corps médical n’est pas exploité à cause des absences». Le rapport souligne d’autres lacunes telles que la faible qualité du service public et les inégalités d’accès à celui-ci. Et aucune réforme de cette situation caricaturale ne pointe son nez à l’horizon. «Après plus de 12 ans, tous les chantiers de réforme demeurent actuellement au stade de projet», conclut le rapport.
En juin 2016, le gouverneur de Bank-Al-Maghrib, en présentant son rapport annuel, rappelait «encore une fois la nécessité d’évaluer le rendement de ces plans sectoriels, leur phasage et leur cohérence d’ensemble. Cette évaluation devrait être systématique et revêtir un caractère institutionnel, à travers la mise en place de dispositifs ou d’entités dédiées, permettant une analyse ex ante, un suivi régulier et rapproché, pour opérer les ajustements éventuels dans des délais appropriés». Plus globalement, «il a estimé que pour un meilleur encadrement du développement économique et social de notre pays, la mise en place d’une planification stratégique serait appropriée. Celle-ci permettrait de mieux répondre aux exigences d’une vision globalisée et cohérente, avec une priorisation des objectifs et une optimisation dans l’utilisation des ressources». Sur ce chapitre, on lira avec attention le rapport de la Cour des comptes qui a relevé que les efforts financiers consentis pour les stratégies sectorielles n’ont eu qu’un effet limité sur le développement de manière globale et la création de l’emploi plus précisément. Selon ce document, le plan Azur, par exemple, prévoyait la réalisation de 944 projets touristiques avec un montant total de plus de 151 milliards de dirhams. Or, «seulement 37 projets ont été réalisés à fin 2015, pour un montant de près de 1,4 milliard de DH, soit un taux de réalisation de moins de 1%».
Avec ces échecs répétés, on demande au nouveau ministre des finances d’un gouvernement qui n’est même pas capable de gérer sa propre administration, de mettre de l’ordre dans toute l’économie. Il faut atteindre des sommets de présomption fatale, comme disait l’économiste Hayek, pour penser qu’un fonctionnaire mieux payé que celui qu’il est censé servir, est le mieux placé pour relancer une économie. En fait, je n’ai jamais compris l’expression «voir la paille dans l’œil de son prochain et ne pas voir la poutre dans le sien» que face à cette situation pour le moins ubuesque.
