Affaires
Alerte ! On construit sans souci des normes parasismiques
A part Agadir, la quasi-totalité des nouvelles constructions ne respectent pas la norme RPS 2000, obligatoire.
Coût financier, manque de contrôle…, l’administration et
les professionnels se rejettent la balle.
Difficilement applicable, la norme est en voie de révision. La nouvelle
formule est attendue pour 2007.

Décidément, la tendance à faire des lois sans les appliquer ne se dément pas. La réglementation imposant l’application de normes parasismiques à toute nouvelle construction, qui a pourtant reçu, en 2002, beaucoup de soutien, n’échappe pas à la règle. Cette réglementation, quand bien même le spectre du séisme d’Al Hoceima, en février 2004, est encore présent dans les esprits, est aujourd’hui totalement ignorée ou presque.
Les normes parasismiques ne sont pas forcément synonymes de surcoût
Le règlement de construction parasismique (RPS 2000) divise le Maroc en trois zones. La première zone, déclarée à fort risque sismique, concerne tout le Rif ainsi que le Souss. La seconde zone comprend le littoral atlantique, essentiellement autour de Rabat et Casablanca, alors que la troisième zone se rapporte au reste du territoire national. «Sur la totalité de ces zones, il est impératif de construire en respectant des normes parasismiques. Agadir est par ailleurs une exception puisque l’obligation de respecter ces normes est de mise depuis le séisme de 1960», explique Ali Guedira, directeur des affaires techniques auprès du ministère de l’habitat et de l’urbanisme. Deux autres exceptions à noter. «Les bâtiments conçus selon les techniques locales traditionnelles et dont la structure portante utilise essentiellement la terre, la paille, le bois, le palmier, les roseaux ou des matériaux similaires, et les bâtiments d’un seul niveau à usage d’habitation ou professionnel, d’une superficie totale inférieure ou égale à 50 mètres carrés», comme le précise d’ailleurs le RPS 2000.
Pourtant, cette obligation semble être restée lettre morte. La réalité du terrain est toute autre. Les professionnels du secteur sont unanimes quant à l’impossibilité de garantir un taux élevé de respect des différentes normes parasismiques. «Difficile de détecter les nouvelles constructions qui ne respectent pas les normes du RPS 2000. Et ce pour plusieurs raisons, ayant notamment trait aux autorités de contrôle. Mais en tant que professionnel du secteur, je pourrais affirmer que le règlement parasismique est très peu et mal utilisé», précise Omar Farkhani, président du Conseil national de l’Ordre des architectes. Moncef Ziani, président de la Fédération nationale du conseil et de l’ingénierie, abonde dans ce sens. «La quasi-totalité des constructions résidentielles, explique-t-il, ne sont pas conformes au règlement. Par ailleurs, tous les nouveaux bâtiments publics le sont. C’est même une obligation dans tous les cahiers des charges et les appels d’offres lancés par l’Etat marocain». Et pour cause, le Premier ministre a envoyé en 2005 une circulaire aux différents départements ministériels concernés (habitat, urbanisme, aménagement du territoire, équipement, intérieur), les incitant à mettre en pratique les normes parasismiques et à veiller scrupuleusement à leur respect, chacun dans son domaine d’intervention.
Le RPS 2000 un label commercial plus qu’un garant de la sécurité des constructions
Publié dans le courant de l’année 2002, le RPS 2000 ne rencontre donc qu’indifférence chez les intervenants. Est-ce dû au surcoût engendré ? «Il est faux de penser que construire en respectant les normes parasismiques suppose des charges en plus. Le surcoût varie entre 5 et 10 % dans le gros Å“uvre. Avec de bonnes études, ce surcoût peut baisser», souligne le directeur des affaires techniques au sein du ministère de l’habitat. Pour ce dernier, d’ailleurs, les raisons principales de la non-application des normes parasismiques résident plutôt dans le non-professionnalisme des secteurs. «Partout au Maroc, la majorité des constructions est réalisée par des tâcherons ou de petits maçons qui ne disposent pas des connaissances techniques requises pour construire parasismique», ajoute Ali Guedira.
«De toutes les manières, et dans la pratique, ce règlement perd de son essence, à savoir garantir la sécurité des constructions. Malheureusement, il est devenu un simple label commercial affiché par les promoteurs immobiliers, sans plus», indique Omar Farkhani. Un architecte ayant préféré taire son nom va plus loin. «Parfois, les normes du RPS 2000 ne sont pas en cohérence avec les dispositions des différentes agences urbaines. La hauteur du plafond, l’épaisseur des dalles et des poutres s’avèrent incompatibles». Le RPS, garant de la sécurité des constructions, est-il difficilement applicable ? La réponse vient du ministère de tutelle lui-même. «Depuis quelques mois, le ministère chargé de l’habitat et de l’urbanisme a amorcé une réflexion, associant les différents professionnels du secteur, pour évaluer les diverses dispositions du RPS 2000», précise M. Guedira. Et d’ajouter : «Les reproches récurrents ont trait à l’imprécision du zonage défini par le RPS 2000, à l’absence d’une application informatique et au déficit de formation des petits techniciens en la matière ». «En outre, apprend-on auprès du Comité national du génie parasismique (voir encadré), chargé de mener la refonte de ce règlement, les développements de la recherche en génie parasismique dans le monde doivent y être insérés». La réflexion ainsi menée aboutira à une nouvelle mouture de ce texte juridique, qui devrait voir le jour dans un an.
Quid alors du contrôle sur le terrain ? Les différents corps de métier se rejettent la balle. Pour le ministère chargé de l’habitat et de l’urbanisme, ce sont les architectes, ingénieurs, bureaux d’études et de contrôle qui ont la charge de vérifier que la réalisation des plans se déroule dans les meilleures conditions. Pour les architectes, comme pour les bureaux d’étude, «la responsabilité est d’abord celle des communes qui délivrent les autorisations de construire et qui sont censées contrôler tous les chantiers sur leur territoire», souligne Omar Farkhani. Moncef Ziani de la Fédération des bureaux d’études va plus loin, se référant au projet de loi 04/04 en discussion à la commission de l’intérieur à la Chambre des représentants. «C’est pour cette raison que nous avons tenu à ce que le contrôle soit effectué par des bureaux d’études agréés», indique-t-il. Pour la Fédération nationale du bâtiment et des travaux publics (FNBTP), la solution est dans la professionnalisation du secteur. Plusieurs conventions ont d’ailleurs été signées en février 2005 à cet effet, avec l’Ecole Hassania des travaux publics, l’Université Mohammed V et l’OFPPT.
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le signale son règlement intérieur. |
